Étoile de Myrtille a écrit:

Elle avançait avec l'envie de plus en plus forte de reculer au fil qu'elle approchait du pas de la tanière d'Étoile Acharnée. Une sensation désagréable montait dans sa gorge, et elle sentait ses muscles se crisper, un besoin de plus en plus pressant de fuir. Elle ne voulait pas entrer là-dedans. C'était le foyer de son grand-père, c'était l'antre de ses démons, c'était là... qu'elle était née. La montée de son angoisse se faisait si omniprésente qu'elle oblitérait la sensation de Boule à ses côtés, elle devenait étrangère à elle-même, familière seulement de cette anxiété qui l'enserrait. Ses paroles émises dans un souffle la raccrochèrent à la réalité. La ramenèrent à cette sensation qui l'avait transportée à la Cénote. Elles y étaient.

- Tu as ce que tu voulais. Ou veux-tu plus encore ?

Les paroles de Chevêchette des Rocheuses figèrent instantanément le sang de Boule dans ses veines ; la jeune meneuse s'immobilisa, la sensation d'un courant électrique dans ses pattes la réveillant parfaitement alors que, la seconde d'avant encore, elle se sentait happée par le sommeil d'une patte de fer. Cette fois-ci, ce n'était plus possible d'éviter les yeux bruns de la guerrière : Boule tourna la tête pour les chercher et les harponner. Qu'est-ce qu'elle voulait dire ? Qu'est-ce qu'elle cherchait à dire, par là ? Il y avait comme un double sens dans les paroles de Chevêchette des Rocheuses qu'Etoile d'Argile n'était pas certaine d'interpréter correctement -et cette sensation était indescriptiblement désagréable. Est-ce qu'elle faisait référence à sa proposition de dormir ensemble ? Auquel cas, pourquoi l'avoir accompagné si ce désir n'était pas partagé ? L'émotion suscitée par cette formulation des choses picotait l'échine de Boule qui se sentit, sous la fatigue, poussée à des élans d'agressivité et d'impulsivité -cela ne lui ressemblait pas. En temps normal, rien ne lui échappait d'incontrôlé. Même quand elle regardait Chevêchette des Rocheuses avec intensité, c'était parce qu'elle permettait à son amie de voir ce qu'elle lui inspirait.
Mais pourquoi ce revirement d'attitude ? Elle avait l'air de le vouloir aussi.
A cette pensée, perdue dans les prunelles de sa camarade, Etoile d'Argile eut le pressentiment qu'elle ne parlait pas de cette nuit en parlant de "ce qu'elle voulait". Etait-ce un soudain écho à leur périple ensemble à la Cénote durant lequel elles avaient plongé dans la tête l'une de l'autre ? Elles n'avaient pas vraiment eu l'occasion de se reparler depuis lors... alors peut-être que la question de Chevêchette des Rocheuses visait cela précisément. L'ambition qu'elle aurait senti dans l'esprit de Boule ?

"Je ne sais pas, finit-elle par articuler prudemment, son regard allant d'un œil à l'autre de son amie, tout son être sensible aux inspirations et expirations de celle-ci tandis qu'elles murmuraient avec leurs truffes si proches. Cela dépend de ce dont tu parles, mais je crois que j'ai eu ce que je voulais mais que je ne dirais pas non à un peu plus encore."

Chevêchette des Rocheuses avait les iris qui se perdaient comme l'écho sur les parois rocheuses de l'antre qui avait été celle de son grand-père et précédent chef. Etoile d'Argile sentait son trouble aussi nettement que si elles avaient partagé, en pénétrant cette cavité de pierre, le même songe que celui qui les avait unies à la Cénote. C'était comme un filet d'eau dont le murmure était discordant, comme s'il fuitait de son lit atemporel. Mais Etoile Acharnée n'était plus là : s'il était le souvenir qui troublait son amie, alors Boule aurait aimé le lui souffler à l'intérieur de sa tête brune. Sans répondre à la question que Chevêchette des Rocheuses avait posé avant de laisser ses yeux papillonner dans l'antre à la recherche d'un fantôme réprobateur, la jeune chatte blanche et rousse se rapprocha de la guerrière et se pressa contre elle, savourant dans un frisson électrique la chaleur de son contact. Elle ne chercha pas à rester à la surface, en la caressant de sa fourrure : elle laissa peser son poids contre la carrure élancée de sa camarade, plongeant complètement entre les volutes de son odeur naturelle.

"Il n'y a personne d'autre que nous, ici, murmura t-elle en glissant contre Chevêchette des Rocheuses pour la dépasser un peu et tourner son visage vers le sien. On pourrait s'allonger ici comme à la Cénote et partager cette grotte sans que personne ne puisse y dire quoi que ce soit."

Leurs yeux étaient si proches... Le souffle de Boule s'était raréfié -ou bien avait-il accéléré et le retenait-elle dans sa gorge pour ne pas haleter ? Elle avait l'impression d'une boule nouée dans le fond de sa gueule, pénible, logée là d'appréhension. C'étaient des avances : elle le savait, elle le sentait sans savoir pourquoi est-ce qu'elles en étaient arrivées là et en redoutant un peu ce tumulte que lui faisait ressentir Chevêchette des Rocheuses en étant juste à côté d'elle.

"Plus... Ce serait que tu restes là ce soir et reviennes tous ceux où tu le souhaiteras, Chevêchette des Rocheuses."

Elle vit Chevêchette des Rocheuses franchir les dernières frontières entre elles deux au ralenti : son cœur eut un sursaut avant de s'arrêter, au bord de l'explosion. Et puis, entre deux tout petits fragments de temps, l'image de la tête brune de la guerrière fut devant ses yeux, occupa tout l'espace et devint une pression physique, contre son crâne, balayant tout le reste. Une vague impérieuse se souleva dans les flancs de la jeune meneuse qui sentit soudain son poult repartir : libérée -ou précipitée ?- de l'entrave d'appréhension qui lui enchaînait la gorge aux pattes, Boule se pressa en retour contre sa camarade et alla même plus loin que le retour de caresse. Mue de cette écume rugissant en elle, elle se mit à témoigner une affection inédite à son amie, laissant glisser son front contre sa joue, contre son cou, son épaule puis le haut de son ventre. Sa queue s'enroula autour du poitrail de Chevêchette des Rocheuses tandis qu'Etoile d'Argile continuait de couler le long de son corps et revenait par l'autre côté, la tête toujours collée à la fourrure brune, remontant à rebrousse-poil jusqu'à son cou où elle s'arrêta enfin en ronronnant. D'une voix grave qui l'étonna elle-même, elle s'entendit miauler à la guerrière :

"J'ai l'impression de n'avoir plus senti ton odeur depuis notre passage à la Cénote aux Etoiles. Elle m'a tellement manqué..."

Oh, elle ne le lui devait pas particulièrement, mais puisque Boule avait le goût des choses bien faites et que sa curiosité entendait satisfaction, elle avait convoqué Salamandre Enflammée le lendemain de la venue de la chatte domestique et de leurs rejetons communs pour qu'il lui fournisse quelques explications. Cela n'avait pas été explicitement dit, mais le matou se soumettant à l'autorité viendrait probablement à reculons la voir en ayant très bien compris ce qui l'attendait. Mais Etoile d'Argile n'était pas une Etoile Acharnée et encore moins semblable à sa consœur Crépusculienne, Etoile de Myrtille. Les punitions bêtes et méchantes en application systématique au Code du Guerrier n'étaient pas sa politique : elle préférait moduler ses sanctions pour que les coupables se réhabilitent et se responsabilisent. Une conviction née... probablement du constat que cela n'avait pas toujours été offert aux Nuiteux et Nuiteuses de ces dernières générations.

L'ombre silencieuse de l'ancien lieutenant se découpa de l'autre côté des feuillages du noueux genévrier qui dissimulait la cavité dans laquelle se reposait la meneuse ; celle-ci l'attendait, assise bien droite, le poil nettoyé et sec. Elle lui lança avant même qu'il s'annonce :

"Entre, Salamandre Enflammée."

Les ténèbres étaient si épaisses qu’elles collaient à la peau comme une patte moite et lourde. Pareilles à des coussinets enduis de miel, elles suintaient et dégoulinaient autour de la silhouette étendue au sol en semblant l’écraser sous leur fardeau indistinguanle. Allongée au sol, Étoile d’Argile était immobile, son visage crispé dans un air tourmenté. Ses babines relevées en un ourlet de douleur, ses paupières fermement closes, elle sentait s’amasser sur elle le poids de cette nuit étouffante.
Dans un sursaut d’effort, elle ouvrit soudainement les yeux et inspira bruyamment une foulée d’air frais -comme si elle venait de manquer l’asphyxie. La lourdeur de l’air s’atténua aussitôt, le simple fait de se réveiller semblant repousser l’étau des pattes collantes des noirceurs environnantes. Au-dessus d’elle, loin dans le ciel, des étoiles brillaient pâlement. Cela faisait longtemps que Boule ne leur avait pas vu un éclat aussi faible. Que se passait-il ce soir ? Cette question déclencha une vague d’angoisse dans son ventre quand elle réalisa qu’elle n’avait aucune idée de comment elle était arrivée là ni ne reconnaissait les lieux. Déboussolée, commençant à gigoter et tourner sur elle-même pour trouver une réponse, elle sursauta lorsqu’une voix s’éleva dans son dos :

« Tu es sur les terres du Clan des Étoiles, Étoile d’Argile. »

Faisant volte-face l’échine dressée sous l’effet de la surprise, la jeune meneuse du Clan de la Nuit passa de l’étonnement à la froideur quand elle reconnut le chat qui était venue la trouver. S’approchant de quelques pas, elle s’inclina devant Étoile Acharnée puis se redressa, l’expression grave, les sourcils froncés. C’était la première fois qu’iels se revoyaient depuis son baptême de cheffe à la Cénote aux Étoiles, des lunes plus tôt, s’achevant sur une sentence cruelle et restrictive indigne du Clan des Étoiles -et indigne pour n’importe quel être la subissant. Depuis lors, depuis ce dernier échange de regards entre l’ancien maître et son élève, où la déception de toustes deux avaient été évidente, Étoile d’Argile et Étoile Acharnée ne s’étaient pas retrouvé.e.s en contact. La distance de ce lien, qui évoluait désormais sur un autre rapport d’espace-temps, donnait une dimension très… irréelle à ces retrouvailles sinistres.

«  Étoile Acharnée, miaula t’elle en articulant chaque syllabe. Si je suis ici, c’est que j’ai perdu une vie ? »

Le calcul n’était pas dur à faire et, avec l’incompréhension inaugurale de voir son mentor surgir sous ses yeux, Boule pensait comprendre les rouages derrière son amnésie. Le matou tigré hocha de la tête sans grand émoi.

« Concentre-toi et essaies de te souvenir. Tu es tombée de la Corniche Étoile d’Argile. Malgré les efforts d’Égide Sacrée et de Nuage de Pénombre, tu as perdu beaucoup de sang. »

Les mots du défunt lui firent l’effet d’une claque. Les sourcils toujours froncés mais les yeux grands ouverts, Étoile d’Argile se sentit happée par le vide, plongeant dans des souvenirs inattendus qui se réveillèrent à sa mémoire sans guère d’effort. Elle se revit annoncer les baptêmes de Nu… non, de Graine de Pavot et de N… Lierre Grimpant. Ainsi que de Rû des Abysses. Puis descendre pour aller à leur rencontre et manquer une de ses réceptions sur les premières pierres sont son promontoire. Et tomber au sol. Dans un frisson qui lui secoua l’échine et tout le dos, elle cila et recula de quelques pas, soufflée par la violence du souvenir.

« Par le Clan des Étoiles… Et tout le Clan a assisté à ma chute, souffla t’elle la gorge serrée. Une seconde vague, brûlante de colère cette fois, l’emporta brutalement alors qu’elle relevait les yeux vers Étoile Acharnée. Quel genre de chef perd une vie aussi stupidement ? Je vais perdre en crédibilité si je me ridiculise devant les miens comme ça ! »

L’émotion lui faisait voir rouge et perdre son sang-froid. Elle d’ordinaire si égale et si calme ne contenait plus du tout l’énervement de sa maladresse publique. Car avec elle revenaient les moqueries de son enfance et les yeux bleu glace de ses deux frères. Tu es un boulet, Boule. T’es empotée et tu sers à rien. Les forts survivent et les faibles sont écrasés.

« Je ne suis pas faible ! Cracha la féline en fouettant l’air d’un coup de queue véhément.
- Calme-toi, lui intima en retour Étoile Acharnée qui commençait à durcir. T’énerver ne résoudra rien. Le Clan de la Nuit compte des chats intelligents qui ne te jugeront pas pour une erreur.
- Tu sais très bien que certains si. Je soupçonne certains de mes camarades de souhaiter qu’il m’arrive davantage d’accidents de ce genre et je refuse qu’ils profitent de ce genre d’événements pour me délégitimer.
- Alors tu verras bien par toi-même en revenant, » finit par conclure l’ancien meneur dont la queue décrivait elle aussi des arcs de cercle en l’air.

Boule ne détourna pas le regard. Elle savait qu’elle n’avait pas nommé explicitement les fils d’Étoile Acharnée mais s’il avait eu accès à ses pensées aussi facilement que lors de son baptême, alors il savait très bien à qui elle avait penser en lui miaulant ceci. Les tensions entre elleux deux croissaient visiblement dans l’après-vie du matou : c’était un rapport bizarre, d’autant plus que Boule avait pris en assurance depuis ses débuts en tant que meneuse. Elle s’adressait à lui désormais d’égale à égal. Étoile Acharnée paraissait plus froid que jamais : ce n'étaient pas des accusations à émettre à la légère mais le contexte actuel était si clivant qu'il ne sut se contenir complètement non plus. Il dévoila ses crocs jaunis par le temps et cracha dans la direction de sa successeuse.

« Ca suffit. Retourne auprès des tiens maintenant, » la congédia t-il en faisant un pas en arrière.

Aussitôt, un voile de brume sortit de terre et enlaça ses pattes, se répandant rapidement tout autour des deux félin.e.s et les dissimulant dans la brume. Boule ne répondit pas, grognant pour elle-même tandis que tout disparaissait tout d'elle, la laissant soudain seule avec la boule d'angoisse qui grandissait dans sa poitrine. Ai-je seulement perdu qu'une vie ? S'affola t-elle, traversée par cette pensée folle. Fermant les paupières fort pour essayer de refouler cette idée aussi loin que possible dans sa mémoire, la jeune chatte rassembla tout son courage, se préparant aux nouvelles que son réveil lui apporteraient...

Esprit de Sacrifice a écrit:

"Je serai toujours dévoué aux miens, peu importe les sacrifices"

✧ Esprit de Sacrifice ✧

Feat Etoile d'Argile | @Etoile d'Argile  

L’évaluation de Nuage Phréatique venait tout juste de prendre fin et Esprit de Sacrifice était ravi des résultats. Seulement quelque chose le tracassait. Prenant la décision d’aller partager ses craintes à la meneuse du clan qui serait plus amène de l’aiguiller, il rejoignit l’antre du chef après avoir accordé, sans un mot, une pause bien méritée à son apprentie.
Comme à chaque fois qu’il se présentait devant le rideau de végétation servant à cacher la tanière, le cœur du lieutenant s’accéléra. De l’autre côté, il le sentait, se trouvait la belle femelle pour laquelle il serait prêt à donner sa vie. Etoile d’Argile et lui s’était d’abords fréquentés de loin avant de sentir une attraction l’un envers l’autre, ce qui les avait poussés à discuter de nombreuses fois sans toutefois officialiser leur relation. Le jeune mâle ne pouvait s’empêcher de penser à ce que serait sa vie avec la féline si leur lien était reconnu. Fonderaient-ils un jour une famille ensemble ? Désireux de faire avancer les choses, le matou noir sentit une montée de courage lui venir, néanmoins il savait que pour cette fois, il devait donner priorité à un autre événement certainement proche.

-Etoile d’Argile ? Commença-t-il alors d’une voix assurée, espérant secrètement l’absence de Chevêchette des Rocheuses, l’amie proche de la meneuse. Puis-je entrer ?

Les patrouilles de l'aube avait épuisé Etoile d'Argile, qui somnolait dans son antre pour récupérer des forces. Le soleil était haut dans le ciel quand une voix qu'elle reconnut aussitôt s'éleva près de l'arbuste qui abritait sa tanière. Se redressant avec un bâillement à lui en décrocher la mâchoire, la jeune meneuse répondit d'une voix encore imprégnée de sommeil :

"Entre, Esprit de Sacrifice."

Elle s'étirait le dos dans une courbe aussi allongée que ses pattes avant le lui permettaient lorsque le guerrier ébène pénétra dans son gîte. Il parut décontenancé de l'apercevoir dans cette posture mais dissimula aussi vite qu'il le put sa gêne, arrachant un rictus en coin à Boule qui avait délibérément choisi de se montrer ainsi au jeune mâle. Face à n'importe qui d'autre, elle y aurait probablement réfléchi quelques secondes de plus, mais puisque c'était Esprit de Sacrifice et qu'il lui plaisait, à quoi bon se cacher ?

"Que puis-je faire pour toi ?" S'enquit-elle aimablement en s'asseyant, ramenant sa queue autour de ses pattes dans une posture beaucoup plus humble.

Elle était allongée dans son antre, escortée discrètement à la nuit tombée par Esprit de Sacrifice et Nuage de Pénombre. Le matou avait dormi à ses côtés pour veiller mais s'était éclipsé à l'aurore pour répondre à son devoir et patrouiller avec ses pair.es, comme le bon et dévoué lieutenant qu'il incarnait. Et à vrai dire, Boule l'en remerciait parce qu'elle ressentait l'impérieux besoin d'une véritable solitude. Elle avait vu Etoile Acharnée dans le Clan des Etoiles, en perdant sa première vie sur le coup, et les images et les bruits de leur échange lui collaient à la rétine. Et, entre deux bribes de reviviscence, la fatigue l'écrasait d'une patte de fer. Elle somnolait donc en revivant des flash de son entretien avec son prédécesseur, noyée dans l'angoisse et l'inconnu du nombre de vies véritablement emportées par l'éboulis, sentant une sourde appréhension se nouer dans son ventre à la pensée de ce que le Clan en pensait, incapable de relativiser toute irrationalité ou de convenir d'étapes pour s'assurer de sa crédibilité ni d'en retrouver le cas échéant. C'était comme si son cerveau, ses capacités de concentration et de projection d'ordinaire si habiles, étaient engourdis par sa faiblesse physique et le besoin de dormir.

Dans un songe éveillé, elle perçut des bruits de pas à l'entrée de son antre, imaginant dans un délire qu'il pouvait peut-être s'agir de Chevêchette des Rocheuses venue la rejoindre pour la nuit, venue veiller sur elle et se moquer gentiment de sa dégringolade. Peut-être lui apprendrait-elle même que ses camarades l'avaient pleuré toute la nuit avant de se récrier de joie lorsque les guérisseuses, sorties de leur antre sibylline, étaient venues annoncer à toute la Nuit que leur meneuse adorée avait survécu à ses blessures. Les guerrier.ères du Clan de la Nuit étaient-ielles capables d'une telle allégresse ? Les avait-elle toustes concquis.es à ce point ? Y parviendrait-elle seulement un jour ? Mais une petite ombre se découpa soudain dans son champ de vision, faisant voler en éclat le mirage que Boule se construisait : ce n'était pas un rêve de somnolence. Il y avait véritablement quelqu'un.e. Et quelle ne fut pas sa surprise en découvrant un chaton.
Se redressant maladroitement, Etoile d'Argile se retrouva à fixer l'un des fils de Salamandre Enflammée en mettant quelques secondes à réaliser de qui il s'agissait. Il s'exclama à son tour, le pelage hirsute d'incrédulité, la dévisageant gueule bée -comme s'il voyait un ancêtre étoilé. Au fond, ce n'était peut-être pas si loin de la réalité. Sa remarque assombrit la meneuse : qu'un chaton ait pu assister à un tel drame n'était pas supposé arriver. Comment avait-elle pu être à ce point négligente quant à là où elle posait les pattes ?

"Tu as raison, Petite Lumière," souffla t-elle d'une voix presque éteinte, baissant les yeux. Elle fit un effort pour relever son regard brun vers le petit mâle clairsemé pour répondre à sa surprise et ne pas le laisser dans l'abasourdissement. "J'étais morte. Mais ton père ne t'a-t-il jamais expliqué que les meneurs et meneuses reçoivent neuf vies du Clan des Etoiles en guise de bénédiction lors de leur baptême ?"

Voir Petite Lumière réfléchir ravit Etoile d'Argile qui félicita au moins Salamandre Enflammée d'avoir transmis de la curiosité à ses chatons -s'il pouvait éviter de tout leur transmettre, en revanche... Mais l'innocence du chaton attira aussi son attention : il n'avait donc pas été complètement brisé par la dureté vile de son père qui leur faisait payer son erreur par une éducation dénuée d'amour, stricte, froide et probablement aussi méchante que Boule l'imaginait. Les propos de Petite Lumière et son soudain feulement de protestation lui firent remuer les oreilles.

"Ce n'est pas si injuste que ça, Petite Lumière, mais c'est plus complexe en revanche, prit-elle le temps de répondre, choisissant ses mots tout en se redressant pour lui parler. C'est ainsi que ça fonctionne car les chefs et les cheffes sont les cibles principales des autres Clans pour s'affaiblir entre eux. C'est pour que je serve mon Clan plus longtemps, avec plus de sagesse et plus de force que le Clan des Etoiles m'a attribué plus de vies. C'est pour récompenser mes efforts et ma volonté de servir mes semblables. Malgré toutes les qualités de ta mère, en temps que chatte domestique, elle ne sert pas le Clan des Etoiles ni des camarades de Clan. Comprends-tu cela ?"

La voix de Nuage Illusoire surprit Etoile d'Argile qui terminait justement ses exercices d'assouplissement quotidiens. Elle se sentait mieux, depuis quelques heures, sans savoir si cela devait lui donner envie de s'envoyer elle-même immédiatement en patrouille pour reprendre ses fonctions ou si elle devait continuer à se ménager pour ne pas cramer trop vite les forces tout juste recouvrées. Elle allait trancher, vaguement tentée par la première option malgré la "sécurité" rassurante offerte par la seconde, mais elle reporta à plus tard cette question en suspens pour répondre à son apprentie restée devant son antre :

"Entre, Nuage Illusoire !"

La laissant s'approcher, Boule l'accueillit avec son éternel sourire.

"Comment vas-tu et que puis-je faire pour toi ?"

Etoile d'Argile a écrit:

@Salamandre Enflammée

Voir Petite Lumière réfléchir ravit Etoile d'Argile qui félicita au moins Salamandre Enflammée d'avoir transmis de la curiosité à ses chatons -s'il pouvait éviter de tout leur transmettre, en revanche... Mais l'innocence du chaton attira aussi son attention : il n'avait donc pas été complètement brisé par la dureté vile de son père qui leur faisait payer son erreur par une éducation dénuée d'amour, stricte, froide et probablement aussi méchante que Boule l'imaginait. Les propos de Petite Lumière et son soudain feulement de protestation lui firent remuer les oreilles.

"Ce n'est pas si injuste que ça, Petite Lumière, mais c'est plus complexe en revanche, prit-elle le temps de répondre, choisissant ses mots tout en se redressant pour lui parler. C'est ainsi que ça fonctionne car les chefs et les cheffes sont les cibles principales des autres Clans pour s'affaiblir entre eux. C'est pour que je serve mon Clan plus longtemps, avec plus de sagesse et plus de force que le Clan des Etoiles m'a attribué plus de vies. C'est pour récompenser mes efforts et ma volonté de servir mes semblables. Malgré toutes les qualités de ta mère, en temps que chatte domestique, elle ne sert pas le Clan des Etoiles ni des camarades de Clan. Comprends-tu cela ?"

Le petit chat s'emballa sous les yeux d'Etoile d'Argile : c'était presque si elle percevait les rouages des mots s'enchaîner dans son esprit sans queue ni tête, tournant dans le vide en essayant de combler les espaces qui ne pourraient prendre consistance que bien plus tard. Très bien. Elle allait continuer à se prêter au jeu, songeant que c'était là l'une des tâches qui incombait aussi aux meneureuses : guider ses semblables lorsque leur foi tanguait ou était incomplète. Peut-être s'agissait-il d'une mission qui seyait mieux aux guérisseuses du Clan, mais puisque Petite Lumière avait besoin de réponses, Boule se faisait un plaisir de continuer ainsi.

"Tu le pourras peut-être lorsque, toi aussi, tu rejoindras le Clan des Etoiles, Petite Lumière, ronronna la jeune meneuse d'un ronronnement rauque, un peu plus guttural qu'à l'accoutumée du fait de sa fatigue. Mais saches que le pouvoir de nos ancêtres n'est pas si magique que cela : il faut des chats et des chattes qui aient foi en le Clan des Etoiles pour que celui-ci perdure. Et les chats et chattes domestiques ne le prie pas, ne vivent pas conformément à leurs règles. C'est uniquement pour cela qu'il n'interfère pas avec la vie en-dehors des Clans."

La question d'Esprit de Sacrifice plut instantanément à Boule qui, au lieu de prendre le temps d'y réfléchir tout de suite, savoura ces paroles sur le fond de son palais comme si elle venait de flairer un fumet délicieusement appétissant. C'était ça, c'était exactement ça qu'elle avait toujours cherché à obtenir chez tout le monde : une reconnaissance indirecte de sa supériorité, une allégation à son opinion, un tracas de savoir ce qu'elle en penserait ou en dirait, un entretien sincère d'incertitude pour laquelle un avis extérieur -plus objectif, plus sage, le sien- serait sollicité. Que son lieutenant, celui qui allait prendre sa succession à la tête du Clan de la Nuit lui demande une guidance, cela la ramena à l'époque où elle n'était elle-même que la très jeune lieutenante d'Etoile Acharnée et avait besoin de comprendre comment son aîné prenait ses décisions. Esprit de Sacrifice avait besoin de sa cheffe.
Réprimant le frisson de satisfaction qui lui ébranla le poitrail d'une onde de chaleur, Boule hocha de la tête, s'attelant à répondre à la question qui lui avait été posée.

"Si tu penses qu'elle serait trop jeune pour connaître ses limites au combat, peut-être est-il préférable d'attendre une lune de plus pour son baptême, commença t-elle à argumenter. Cependant, il nous appartient, en temps que cheffe et lieutenant, de ne pas mettre nos camarades délibérément en danger. Si Nuage Phréatique serait un bon élément au sein des guerrières du Clan, alors je peux la baptiser sans pour autant lui confier des missions de vétérante."