La Pinède Céleste

Rappel du premier message :

La Pinède Céleste - Page 2 Pin-de-c-leste-5820504

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~Avec Dynastie Couronnée~

Jugement
« Le monde est partout le même, né du chaos et de l'explosion, il avance en s'effondrant. »

Le matou suivait l'ancienne nuiteuse avec une certaine méfiance. En fait, il se méfiait de tout les anciens nuiteux, oui, ils avaient décidé de les rejoindre, ils avaient prouvé leurs loyautés en trahissant leur clan et leurs familles, mais Jugement le savait, une personne capable de trahir sa famille pouvait les trahir eux aussi à tout moment.

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Brume de Cendre a écrit:: Orage - Nuage des Profondeurs

@Nuage du Dragon

Le matou roux avait quitté l'ancien camp clanique accompagné par l'une des boules de poils de l'un d'entre eux. Un petit mâle dont le regard laissait deviner une forte volonté de survie. Et Orage trouvait cela intéressant.

-Tu sais te débrouiller? Ou faut que je te montre? L'ancien solitaire n'avait pas particulièrement de haine contre le clan de la Nuit, il était intéressé par le projet de Cobra, et cela impliquait de dégager un groupe de félins, voilà tout. Alors il n'avait pas d'antipathie contre son cadet: leurs histoires les avaient confrontés, et maintenant, ils étaient du même côté.

« When I was a child, I heard voices
Some would sing and some would scream
You soon find you have few choices
I learned the voices died with me. »
• NUAGE DES PROFONDEURS •
aka Nuage du Dragon

Nuage du Dragon tressaillit à la question de son aîné et faillit lui jeter un regard mauvais, vexé par sa question ; il s'abstint cependant, ne connaissant pas le tempérament de ce matou roux qui serait bien capable de le terrasser au combat.

-Personne n'a jamais chassé pour moi, répliqua-t-il alors dans un grommellement, piqué d'être vu comme un assisté. Je me débrouille seul depuis toujours.

Son Clan avait failli à le nourrir, et ce n'était pas non plus l'Empire qui lui apportait de quoi survivre. Gouffre avait appris à chasser aussitôt qu'il avait été fait novice par Cobra, et ses premiers jours d'apprentissage, il les avait passés dans la forêt à amasser autant de proies que sa médiocre technique et son état lamentable le lui permettaient. Comme pour souligner ses paroles, le mâle pommelé disparut dans un buisson et ressortit quelques instants plus tard en tenant un mulot entre ses crocs, qu'il enterra rapidement.

-Je ne sais pas chasser autre chose que les rongeurs, par contre, déclara-t-il finalement, espérant que son aîné proposerait de lui enseigner mais trop fier pour s'abaisser à lui demander.

Contrairement au combat, il n'appréciait guère la chasse et ne courait donc pas spécialement après les entraînements.

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

Son observation ne l'avait pas trompé, il avait à faire à un minet bien sûr de lui et prêt à en découdre.

-Je vois.... Moi aussi, j'ai toujours fonctionné seul. Apprendre seul, c'est galère, pas vrai? J'ai eu la chance de croiser d'autres solitaires pour parfaire ma façon de survivre.. Je suppose que c'est mon tour. Tu veux apprendre quoi? Je sais chasser a peu prêt tout type de proie. Les rats... les oiseaux.... les poissons aussi, mais ma dernière pêche remonte un peu. Je peux aussi te montrer comment grimper pour choper un écureuil?

Alors dis moi, qu'est ce que tu veux savoir, petit baroudeur? Décidément, il n'avait aucune animosité envers ce gros chaton. Plutôt, une sorte d'affection. Ce n'était qu'un jeune matou sans repère a qui tout venait d'être pris. N'était-ce pas comme ça que commençait la vie?

« When I was a child, I heard voices
Some would sing and some would scream
You soon find you have few choices
I learned the voices died with me. »
• NUAGE DES PROFONDEURS •
aka Nuage du Dragon

Finalement, ce chat orange n'était pas méchant. Il se montrait même plutôt sympathique, à vrai dire. Se détendant donc imperceptiblement, Nuage des Profondeurs réfléchit un instant puis répondit sans dissimuler sa curiosité :

-Oh, je veux bien apprendre à attraper ces fichus écureuils, oui. Ils m'énervent à se prendre pour les plus malins et à me narguer du haut des pins !

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

Couronne d'Orties et Abysse du Dragon

Couronne d'Orties venait souvent à la pinède céleste. La vue s'étendait presque jusqu'à la mer. D'ici, il pouvait presque voir l'île où il avait grandi. Le territoire crépusculien était plus loin encore, derrière les collines. C'était là que sa mère était morte. Là où sa vie s'était mise à changer radicalement. Elle s'était accélérée, lui semblait-il. Jusqu'ici, son train de vie s'était résumé aux entraînements, aux patrouilles, à aider sa génitrice avec la cueillette de plantes, les discussions avec Linnée Boréale et Abysse du Dragon. Maintenant... Maintenant il ne savait plus. Bien sûr, il y avait toujours les patrouilles, mais Couronne d'Orties avait l'impression qu'il lui manquait quelque chose. C'était un trou dans son cœur, une absence qu'il ne comprenait pas.
Ce n'était pas spécialement la mort de Clarté Nocturne. L'accepter avait été dur, mais le guerrier savait qu'ils se reverraient dans les étoiles un jour ou l'autre, d'une façon ou d'une autre. C'était autre chose. Un but, qu'il ne trouvait pas. Un but qui, étouffé par la peur, ne parvenait pas à se déployer, à prendre de l'ampleur, à le combler.
Couronne d'Orties n'était même pas fier d'être devenu guerrier. Il n'avait pas honte non plus de l'être devenu après sa sœur. C'était un fait, soit. Il avait d'autres inquiétudes. D'autres peurs. Il ne pouvait plus se permettre d'être craintif, il ne pouvait plus se permettre d'avoir peur de ce qu'il lui manquait. Il avait peur de ne pas être complet, sans comprendre ce qu'il lui manquait.
Alors le félin venait souvent ici pour y réfléchir. La hauteur, le vent, lui aérait l'esprit en quelque sorte. Il n'avait pas à faire semblant d'être social, de supporter toute la bonne humeur de Linnée Boréale. Il pouvait juste se taire. Attendre. Chercher sans trop savoir où. Ne pas trouver. Revenir. Recommencer sans que personne ne lui pose de questions. Il était taiseux, plus qu'il ne l'avait jamais été.
En fait, il ne se sentait pas à sa place.
Le vent lui apporta une odeur familière. Celle d'un vieil ami. Enfin vieux, pas tant que ça, puisqu'ils étaient tous les deux encore très jeunes. Mais cette conversation avait un goût de passé ou d'éternité. Couronne d'Orties se demanda si le clan des étoiles avait conduit Abysse du Dragon ici, pour combler ce qu'il lui manquait. Comme si l'ancien Empiréen était un message implicite. Une piste à évaluer, cerner. Pourquoi avait-il ce sentiment sur la langue, celui de déjà-vu ? Celui d'être revenu en arrière ?
"Si c'est pour ce que j'ai dit à Linnée Boréale, je m'excuserai ce soir."
Couronne d'Orties avait peut-être été un peu trop franc, un peu trop rêche avec sa soeur, ce matin. ça ne l'aurait pas étonné qu'Abysse du Dragon veuille en discuter, protéger la féline crème. ça avait souvent été le cas par le passé. Ortie ne lui en tenait pas rigueur, c'était le genre de choses que des camarades claniques faisaient. Prendre la défense l'un de l'autre, tout ça, surtout lorsque l'interlocuteur était en faute. Ahah. Il n'aurait pas du s'énerver contre Linnée, se tança-t-il. Il aurait préservé son coin secret. Malheureusement, il n'y avait plus de branche secrète en haut d'un des plus haut pin de la pinède, désormais.
"Elle s'en remettra, de toute manière."

« And you don't want to press your luck, better back up and withdraw
'Cause trust me when I tell you, you don't want that tooth 'n claw
And you don't want to see inside a mind of a savage kind. »
• ABYSSE DU DRAGON •

L'avait-il suivi jusque-là, ou ses pattes s'étaient-elles décidées à le rejoindre d'elles-mêmes, involontairement ? Abysse du Dragon ne sut répondre à cette question, tandis qu'il levait le museau en direction du matou noir perché sur une branche de pin. Quelle idée d'aller se fourrer si haut, franchement… L'éventualité que son camarade voulût être seul lui traversa l'esprit, mais l'irrépressible envie de le rejoindre laissait fourmiller un sentiment de profonde nécessité jusqu'au cœur de ses os. Et Gouffre n'était pas du genre à refuser de céder à ses émotions ; son impulsivité ne faisait pas sa réputation sans raison. Se hissant donc jusqu'à Couronne d'Orties en grommelant des insultes bien senties à l'égard du cerveau fou furieux qu'il fallait posséder pour envisager de grimper à la cime d'un arbre, il s'assit à quelques queues de souris du mâle sombre et inspira son odeur presque malgré lui, qui le ramena des lunes en arrière. Le frisson qui remonta le long de son échine était toujours le même, lorsqu'il côtoyait le frère de Linnée Boréale, mais étrangement, Abysse du Dragon ne s'en lassait pas. Il ne savait mettre de mot dessus, mais la sensation l'enivrait autant qu'elle le repoussait. Alors, il y revenait inlassablement. Le guerrier cendré parla le premier.

-Si c'est pour ce que j'ai dit à Linnée Boréale, je m'excuserai ce soir. Elle s'en remettra, de toute manière.

Gouffre se rendit compte que la brève altercation entre la femelle crème et son frère était la dernière chose à laquelle il songeait en cet instant, et pourtant Couronne d'Orties semblait penser qu'il était venu le rejoindre pour le sermonner à ce sujet. Possédait-il une autre raison de l'avoir suivi ? Qu'aurait-il pu lui dire ? "Ah non, désolé, ça je m'en fiche, je venais juste pour sentir ton odeur". Hors-de-question. Le féliciter pour son baptême ? Il l'avait déjà fait en même temps que le reste de leurs camarades. Cela ne justifiait pas de traverser une partie du territoire au coucher du soleil… Non, il n'avait aucune bonne raison à donner pour expliquer son intrusion dans la bulle de son comparse. Alors, il le laissa à sa déduction et décida de ne pas le détromper.

-Sans doute, murmura-t-il à voix basse, comme pour ne pas troubler davantage la quiétude du lieu. Elle… elle est forte.

Le malaise qui s'installa fit trépigner le gros matou pommelé, ses griffes arrachant quelques copeaux de bois à l'écorce sous ses pattes. Il n'aimait pas parler de Linnée Boréale avec le félin noir, pour une raison qui lui échappait ; beaucoup de choses demeuraient floues et incertaines, quand il s'agissait de Couronne d'Orties. Pourquoi la répulsion première et la méfiance à son égard s'étaient-elles transformées en cette espèce de fascination étrange et malsaine ? Pourquoi sa présence éveillait-elle des sentiments si ambivalents, inexplicables, qui semblaient se heurter au plus profond de lui et faisaient crisser l'intégralité de son être ? Il avait beaucoup de questions, ce soir-là. Aucune réponse ne viendrait miraculeusement, le guerrier en était conscient. Alors, pour masquer sa gêne, il ajouta d'un ton plus bourru :

-Elle n'aime pas te voir contrarié, c'est tout, mais elle a trop de fierté pour le reconnaître. Elle tient à toi, tu sais.

D'aucuns auraient pu avancer qu'il projetait ses propres sentiments sur Linnée Boréale, et ils n'auraient pas eu totalement tort. Abysse du Dragon extrapolait, elle ne lui avait jamais tenu de tels propos, mais la déduction n'était pas délirante non plus. Glissant un regard inquisiteur vers son ami, comme s'il s'attendait inconsciemment à le voir lire entre les lignes, le mâle tacheté finit par soupirer. Que faisait-il ici, déjà ?

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

Couronne d'Orties ne nia pas. Linnée Boréale était exceptionnelle dans son rôle de sœur. Bien sûr qu'elle tenait à lui. Lui aussi tenait à elle. Mais il était conscient que c'était avant tout un rôle. Si elle avait été une guerrière aubiste, jamais ils n'auraient été ainsi. C'était étrange de remettre en question une relation familiale de la sorte, mais tout ressemblait à une farce à ses yeux, une mise en scène, comme lorsque, chatons, ils s'imaginaient meneurs et lieutenants. Maintenant, ils s'imaginaient frères et sœurs.
Le félin tacheté jeta un coup d'oeil à Abysse du Dragon, assis à côté de lui. Son compagnon était deux fois plus imposant que lui. Est-ce qu'il allait casser sa branche ? Est-ce qu'il allait se vexer si Ortie lui disait qu'il risquait de casser sa branche ? Est-ce qu'Ortie voulait que Dragon descende de sa branche ? Non, il ne le dirait pas. Parce qu'étrangement, Abysse du Dragon n'était pas translucide comme les autres, il n'était pas un pantin à une place qu'on lui avait donné à la naissance de manière purement arbitraire. Il ne jouait pas le rôle que les bonnes mœurs réclamaient de lui.
La gueule de Couronne d'Orties trembla. Il avait tellement de choses à dire et en même temps si peu. Il ne voulait pas en parler, il ne pouvait pas l'exprimer à haute voix. Il ne savait même pas comment formuler sa pensée. Et pourtant, à qui d'autre pourrait-il le dire ? Qui d'autre aurait une chance de comprendre ce qu'il ressentait ?
Les deux guerriers restèrent un moment à regarder le ciel changer de couleur, passant du bleu à un doux orangé un peu rosé.
"J'ai l'impression qu'il me manque un truc, finit par lâcher Ortie de but en blanc. Je sais pas ce que c'est. C'est pas ma mère. Pas quelqu'un de ma famille. Je sais même pas si c'est une personne ou une chose ou... J'en sais rien."
Ses griffes rappèrent un peu le bois, preuve de son anxiété.
"Alors que je suis guerrier, on a récupéré notre territoire et détruit l'Empire. Rien n'a jamais été aussi calme et équilibré dans notre vie. Et c'est pas que ça me satisfait pas. C'est que je sais qu'il me manque quelque chose mais je suis incapable de mettre la patte dessus. ça m'énerve."
Non, ça m'effraie. Mais entre avouer ce qui l'agaçait et admettre qu'il en était terrifié, il existait un ravin immense qu'Ortie ne voulait pas traverser. ça m'effraie et le fait que tu sois le seul à peut-être pouvoir le comprendre m'effraie encore plus. Son échine s'hérissa très légèrement. Couronne d'Orties fit semblant de frissonner à cause du froid, alors que c'en n'était pas du tout.
"T'as pas besoin de répondre. Y'a rien à en dire. Je sais même pas pourquoi j'en parle."
Je sais très bien pourquoi je t'en parle.

| Kinkajou Carmin - Lueur d'Obscurité |

Avec le récent baptême de guerriers de deux de ses trois apprentis, Kinkajou Carmin avait bien moins à faire, bien qu'il avait évidemment un emploi du temps chargé entre ses fonctions de lieutenant, son attention particulière donnée à l'éducation des chatons et apprentis, et l'entraînement de Nuage Ombragé. Ceci étant, le baptême de Couronne d'Orties et Pétale d'Azalée lui rendait un peu de temps libre, suffisamment du moins pour se permettre des escapades solitaires dans les montagnes nuiteuses. Il arpentait la pinède céleste, traquant toute proie qui pointerait le bout de son museau, quand il croisa au détour d'un arbre une féline qu'il préférait généralement éviter.

- Oh. Bonjour Lueur d'Obscurité, la salua-t-il sobrement, de son éternel ton bourru.

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• CHIMÈRE MAUDITE & KINKAJOU CARMIN •
La Pinède Céleste

Cela faisait un petit moment déjà que tu emboîtais le pas à ton lieutenant, en silence. Vous vous étiez glissés hors du camp en fin d'après-midi, aviez traversé le Val Bourgeonnant, puis esquivé la Forêt Brumeuse qui, comme à son habitude, était enveloppée d'un voile blanc qui te fascinait et t'effrayait à chaque fois que tu le voyais. Il n'était pas rare que les chats traversent une grande partie du territoire en silence, le vent sifflant dans leurs oreilles, se hâtant de rejoindre le point où il chasserait. Mais vous n'aviez fait aucune pause, vous n'aviez pas levé le museau pour tenter de surprendre un maigre rongeur, et tu n'avais osé dire mot. Kinkajou Carmin t'avais invitée à une partie de chasse qui ne semblait pas refusable. Tu le soupçonnais de vouloir te parler de quelque chose, et ton esprit s'échappait avec inquiétude dans tous les sens. Il ne te semblait pas avoir adressé la parole à l'ennemi, ni manqué de marquer une frontière, tu ne t'étais pas non plus endormie durant une patrouille, et n'avais pas omis le respect en t'adressant à un ainé ou un supérieur, tu ramenais le plus de proies que tu pouvais chaque jour, jusqu'à l'épuisement, alors qu'avais-tu pu bien faire ? Peut-être avait il été insatisfait de tes services pendant que vous annexiez le territoire de la Tribu du Zénith, ou alors, il s'était rendu compte que tu ne savais pas très bien te battre. Ou bien étais-tu trop solitaire, pas assez présente pour le reste de ton Clan, pourtant les étoiles savaient que tu rêvais d'amour, tu n'y arrivais juste pas. Était-ce parce que tu t'étais emportée contre Petit Tigre et Petite Louve ? Oui ! Ça devait être ça ! Les deux mômes avaient dû aller pleurer dans les poils de leur mère à ton sujet.

Alors que tu te remuais les méninges, le second ralenti, vous arriviez au sommet de la Pinède Céleste, et comme à chaque fois, la vue ne manquait pas de te couper le souffle. À cette heure-ci, le soleil allait s'éteindre entre les deux cimes de montagnes, loin dans l'horizon. Il laissait des trainées d'or et de sang dans le ciel écarlate, les petites boules de nuages dansaient dans une valse rose. En contrebas de la vallée, on pouvait voir tous les territoires et les ruisseaux qui les dessinaient joliment. D'ici, tu pouvais même voir les forêts et les plaines des deux autres camps, et même les pointes rocheuses pleine de neige qui appartenaient à l'ennemi. Jamais tu ne te laisserais de ce tableau qui n'était pourtant jamais vraiment identique. Pour ajouter de la magie au spectacle, les derniers rayons se baladaient entre les épines de sapin créant une douce lumière, presque féérique dans la poussière de la pinède. Lorsque ton camarade se tourna vers toi, tu remis les pieds sur terre. Foutus chatons.

- Kinkajou Carmin, je tenais à te dire, si tu souhaites me parler de Petit Tigre et Petite Louve, je te promets que je leur ai à peine crié dessus, ils allaient réveiller tous les guerriers de la tanière, je leur ai juste dit qu'ils n'avaient rien à faire là.

Ta voix était pleine de sincérité et dure, mais aussi intimidée. C'était la première fois, du moins depuis que vous étiez tous deux guerriers il te semblait, que tu te retrouvais seule avec ton supérieur, et tu n'étais pas très à l'aise. Le lieutenant était plus grand que toi, comme la plupart des chats du Clan, et son pelage tigré brillait de mille feux. Sa carrure était imposante et il se tenait aussi droit et fier que toi. Mais le plus perturbant, c'était son regard, tu te noyais dans le lac de sang qui te glaçait les os. C'était aussi la première fois que tu pensais avoir failli à ton Clan, depuis le plus jeune âge, tu t'étais toujours donnée corps et âme pour les tiens, ne faillant jamais au Code du Guerrier.

Le temps s'adoucissait, la neige des sommets fondait, et toute la journée durant le soleil avait brillé. L'épais pelage des matous nuiteux n'avait pas ce jour-là était percé de bises glaciales, et ce crépuscule sans nuage laissait entrevoir la naissance de la saison des feuilles nouvelles. Les bourgeons s'affichaient colorés, répandant leur parfum dans les vallées, et les oiseaux batifolaient joyeusement, chantant dès la naissance de l'aurore, alertant par un réveil musical les désignés de la patrouille de l'aube. Tout cela, Kinkajou Carmin avait tant crains de le vivre sur la presqu'île. Pourtant ils étaient là, dans les sentiers des montagnes, toisant le reste des terres claniques depuis leur promontoire rocailleux, et le lieutenant s'en réjouissait. Certes des tensions naissaient avec la Tribu du Zénith, tandis que les relations avec le Crépuscule étaient d'une froide cordialité, oui Douceur du Styx avait trouvé la mort dans des circonstances mystérieuses et tragiques, mais la perte d'une guerrière… Était si peu comparée à tous les malheurs qui l'avaient précédé. Ce drame était d'autant moins douloureux qu'ils avaient pu y répondre immédiatement. Certes ça n'était pas réparable, mais au moins cette fois-ci seraient-ils en mesure de venger leur camarade, quand ils avaient été incapables d'en venger tant d'autres avant elle. Non le seul véritable voile obscur sur le quotidien de Kinkajou Carmin, c'était les quelques tensions au sein même de son Clan. Qu'importait un conflit avec la Tribu, ces félins-là ne savaient pas même se battre. Mais il fallait veiller à ce que ces tensions n'aillent pas tendre les relations entre ses guerriers. Ou augmenter la défiance que pouvaient avoir certains à l'égard de simples chatons, qu'il était encore largement temps de prendre en patte pour en faire des guerriers dignes de ce nom, et non des ennemis. Ainsi avait-il pris la décision, ce soir-là, d'aller chasser un peu avec Chimère Maudite, afin d'en profiter pour discuter de deux ou trois situations qu'il préférait enrayer. Il ne connaissait la guerrière que de loin, d'une relation cordiale de camarades sans lien particulier, veillant simplement à ce qu'elle remplisse son rôle avec brio, à l'instar du reste des nuiteux.

- Je veux bien te croire, il s'agit de faire leur éducation. Je souhaitais simplement m'assurer qu'il ne s'agissait pas là de discriminations dues à leur possible ascendance souillée, car celle-ci n'est pas nécessairement un obstacle dans leur devenir de guerriers. Maintenant que Douceur du Styx n'est plus, leur avenir est du ressort de chacun d'entre nous.

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• CHIMÈRE MAUDITE & KINKAJOU CARMIN •
La Pinède Céleste

Tes muscles se relâchèrent un peu quand les mots du lieutenant percutèrent tes oreilles ; il ne t'en voulait pas d'avoir réprimandé les chatons, ni de la manière dont cela avait été fait, il était seulement inquiet de tes intentions. Encore une fois, le matou tigré montrait son sens de la justesse que tu partageais autant qu'on le pouvait. Savoir le meneur et son second si enclins à faire respecter le code et porter les valeurs qui régnaient sur les terres de claniques depuis même le territoire de leurs ancêtres te rassurait. Alors que tu n'étais chaton, tu avais écouté à la lueur de la lune des histoires sur des chefs passés, sanglants et sans foi ni loi, des contes sur la Faction qui t'avais glacé les os, des guerriers meurtriers ; Étoile Hérétique, Griffe du Désespoir, Sacrilège des Abysses, Étoile Légendaire, Sable Cristallin, Étoile du Corbeau... tous ces chats qui s'éteint éteint il y a des milliers de lunes pour certains mais dont le nom résonnait encore avec effroi dans la nuit. Plus récemment encore, quand tu étais déjà née, l'Empire avait renversé l'équilibre et semer la terreur, là était ton problème. Tu poussas un soupire et te tourna vers le guerrier aux yeux de la couleur d'un coquelicot mort.

- Je n'ai rien contre les chatons, je peux te l'assurer. Si je n'accordais que peu de respect à leur mère en ses derniers jours pour avoir très probablement trahi son Clan et bafoué le code, je n'ai rien contre eux, c'est mon manque de fibre maternelle qui m'a eut, pas mes intentions.

Tu agitas un peu tes moustaches et esquissa un demi-sourire, puis tu poursuivis, plus terne, hésitante.

- S'il y a des chats avec qui j'ai du mal et l'entente est compliquée, c'est ceux qui me rappellent le temps que j'ai passé loin des miens, exilée. Mais j'imagine que ton fils t'en a déjà parlé.

Tu ne critiquerais pas le fils de Kinkajou Carmin devant lui, tu avais un minimum de respect. Tu étais tout de même très étonnée de la différence entre les deux chats malgré leur relation qui semblait assez bonne.

Kinkajou Carmin fut soulagé d'entendre les explications de Chimère Maudite, les chatons de Douceur du Styx avaient été suffisamment mal accueillis dans le Clan pour ne pas en ajouter. Désormais, Abysse du Dragon les avait pris sous son aile, et avec un peu de chance la tendance allait s'inverser. La défiance à l'égard de leur mère avait été justifiée, mais le lieutenant ne voulait pas constater de défiance à l'égard des chatons eux-mêmes, pas tant qu'ils n'en auraient pas mérité. Ils n'étaient encore que des chatons, en pleine construction identitaire, et il incombait à chacun des nuiteux de les guider sur la bonne voie. Les mépriser pourrait les amener à ne pas considérer le Clan de la Nuit à sa juste valeur, et c'était une erreur à ne pas commettre.

- Oui, c'est là l'autre sujet que je souhaitais aborder avec toi. Explique-moi la nature de tes différents avec Abysse du Dragon.

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@Kinkajou Carmin

• CHIMÈRE MAUDITE & KINKAJOU CARMIN •
La Pinède Céleste

Malgré tes efforts, tu ne pus empêcher le muscle de ta queue de claquer le sol, soulevant au passage un petit tas de poussière. La situation était délicate, tu respectais énormément Kinkajou Carmin et tu te demandais comment lui cracher à la gueule que non seulement pas confiance en son fils, mais qu'en plus te le trouvais arrogant à souhait, irrespectueux et désagréable. Mais la timidité n'était pas un trait de caractère connu chez toi, ta force d'esprit et ton sale caractère en revanche... Tu n'étais de toutes façons pas capable de mentir à ton supérieur.

- Abysse du Dragon a passé des lunes dans l'Empire, j'admire sa vaillance quant au sauvetage mais je ne peux pas lui faire totalement confiance et ça ne changera pas tant qu'il se permettra de me parler de la manière dont il se permet, comme si tout lui était dû. Je suis désolée de la dureté de mes mots, je respecte totalement ta relation avec lui et sa place de guerrier mais je ne peux pas te cacher ce que je pense de lui, ça ne serait pas honnête de ma part.

Tes mots étaient durs certes, mais ils étaient aussi sincères qu'on le pouvait.

Les mots de la guerrière étaient rudes, froids, mais avaient le mérite de refléter une honnêteté que Kinkajou Carmin ne put qu'apprécier. Il ne niait pas que son fils pouvait parfois faire preuve d'une assurance peu en accord avec son jeune âge, mais il avait vécu tant de choses, à l'instar de ses camarades du même âge, que le lieutenant ne s'en offusquait pas. Il avait risqué sa vie plus que n'importe lequel d'entre eux pour sauver leur Clan, rachetant ses mauvaises actions et regagnant du profit aux yeux de son père, qui avait été pourtant été d'une rudesse telle qu'il avait été parmi les derniers à cesser de douter.

- Sa loyauté n'est plus à remettre en cause. Mais j'entends effectivement ce que tu me dis, et je lui en ferai part afin que vos liaisons s'apaisent. Nous ne pouvons nous permettre d'avoir des tensions en notre sein.

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• CHIMÈRE MAUDITE & KINKAJOU CARMIN •
La Pinède Céleste

Ton regard vert jade percé par les gouttes solaires s'égara un instant dans le puit sanglant des prunelles du lieutenant, ses yeux étaient terrifiants mais aussi hypnotisants, les ombres qui y dansaient te captivaient en silence. Tu poussas un soupir soulagé et t'assis, regardant cette fois-ci le paysage qui se teintait de plus en plus de couleurs rappelant les fleurs des cerisiers. Kinkajou Carmin n'avait pas tort sur un point ; les tentions entres les Clans et les barbares étaient trop fortes pour que vous ne vous puissiez vous permettre d'en avoir en votre sein.

Tu étais assez sidérée par les chants belliqueux qui s'échappaient des territoires entre feulements et coups de griffes ; après tout ce que les chats avaient traversé, comment les tentions pouvaient-elles continuer de jaillir ? La Tribu n'avait pas de valeurs, mais les suiveurs du code avaient su s'unir auparavant, l'adversité ne les menait qu'aux pertes de leurs proches.

- Tu as raison. Je ferais moi aussi un effort avec lui. Tu poursuivis, l'air plus grave, devrions-nous craindre une guerre Kinkajou Carmin ? La tension semble être à son comble depuis quelques lunes...

Kinkajou Carmin fut satisfait que ses paroles aient suffi à ce que Chimère Maudite se décide à travailler sur ses interactions avec Abysse du Dragon. Un problème de moins à gérer, enfin, une fois qu'il aurait parlé avec son fils. La suite des paroles de la guerrière plongea le lieutenant dans une profonde réflexion. Devaient-ils craindre une guerre ? Ils se remettaient à peine de l'Empire, même s'ils semblaient maintenant être de nouveau un Clan puissant, leurs membres étaient marqués de cicatrices qui mettraient du temps à se refermer. Une guerre serait une bien mauvaise nouvelle, risquant de les affaiblir alors qu'ils sortaient enfin la tête de l'eau. Toutefois, la Tribu du Zénith était un groupe supposé pacifiste, malgré l'arrivée de félins sanguinaires en son sein, ils pouvaient espérer que cela empêcherait le phénomène en cours de s'aggraver, et donc leur permettrait d'éviter la guerre.

- Il ne faut pas exclure l'éventualité, mais nous ferons ce qu'il faut pour l'éviter. Espérons que les mises en garde suffisent. Toujours est-il qu'en matière de combat, le Clan de la Nuit est bien au-dessus des tributaires qui ne s'y entraînent pas.

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• CHIMÈRE MAUDITE & KINKAJOU CARMIN •
La Pinède Céleste

Tu acquiesças avec force. Il avait raison, encore une fois. Il était certes plus vieux que toi et sa sagesse n'était pas surprenante, mais tu ne pouvais t'empêcher de l'admirer. Kinkajou Carmin semblait être le chat parfait ; il était fort et réfléchi, et guiderait son clan vers des temps glorieux, tu n'en doutais pas une seconde. Un peu embarrassée par ces pensées, tu secouas discrètement la tête et concentras à nouveau sur la conversation.

- Tu as raison. Je crains le nombre d'anciens de l'Empire ayant rejoint leur range, certains savent malheureusement aussi bien se battre que nous... Mais j'imagine que les Clans s'allieraient, non ?

Tu ne savais pas très bien te battre, ça n'était pas un mystère. Mais tu n'avais pas peur, si tu posais des questions, c'est parce que tu avais soif d'en apprendre plus sur la manière militaire de réfléchir des supérieurs. C'était un domaine que tu ne connaissais pas ou peu.

L'idée d'une nouvelle alliance avec les autres Clans n'enchantait pas le matou, bien que celles-ci avaient déjà sauvé les siens par deux fois depuis sa naissance. Sans cela, les Clans auraient disparu après le séisme qui avait déchiré les terres ancestrales du lac, qui n'étaient qu'un très vague souvenir de sa lointaine enfance. Et sans l'aide du Clan du Crépuscule, et même du Clan de l'Aube, probablement auraient-ils encore été en exil sur la presqu'île, sous le joug d'un Empire tout puissant. En temps de guerre, tous doivent oublier les frontières et se battre côtes à côtes afin de préserver les clans. C'était essentiel, mais Kinkajou Carmin n'avait jamais trouvé cela agréable. Il préférait quand son Clan se suffisait à lui-même, et que chacun restait de son côté, sans mêler les félins au risque de déviances comme la Tribu du Zénith ou le règne d'Étoile de Golem. Il répondit néanmoins :

- Oui, face à un ennemi commun, les Clans se doivent de s'allier. Si le Zénith devenait un danger, nous saurions trouver un moyen de l'arrêter, même s'il faut pour cela nous rapprocher des Crépusculiens et des Aubistes. Eux au moins partagent nos valeurs.

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Kinkajou Carmin a écrit:: | Kinkajou Carmin - Lueur d'Obscurité |

Avec le récent baptême de guerriers de deux de ses trois apprentis, Kinkajou Carmin avait bien moins à faire, bien qu'il avait évidemment un emploi du temps chargé entre ses fonctions de lieutenant, son attention particulière donnée à l'éducation des chatons et apprentis, et l'entraînement de Nuage Ombragé. Ceci étant, le baptême de Couronne d'Orties et Pétale d'Azalée lui rendait un peu de temps libre, suffisamment du moins pour se permettre des escapades solitaires dans les montagnes nuiteuses. Il arpentait la pinède céleste, traquant toute proie qui pointerait le bout de son museau, quand il croisa au détour d'un arbre une féline qu'il préférait généralement éviter.

- Oh. Bonjour Lueur d'Obscurité, la salua-t-il sobrement, de son éternel ton bourru.

Lueur d'Obscurité arpentait la pinède à la recherche de remèdes. Sa rencontre récente avec Etoile du Golem l'avait perturbé. En le revoyant, elle n'avait ressenti que de la colère, alors que pourtant, elle était tout autant responsable que lui. En ramassant des feuilles, elle comprit dans un soupir qu'elle était déjà en colère contre elle tout le temps. La haine présente dans les yeux de Nuage Ombragé, Nuage Mélodieux, Chant des Baleines, Poésie Lyrique... Tant de chatons souffrants ou morts à cause de son égoïsme, et d'un amour interdit. Dans ses pensées, elle n'entendit pas Kinkajou Carmin approcher, et sursauta quand il lui miaula poliment une salutation.

"- Kinkajou Carmin." Miaula tout aussi sobrement Lueur d'Obscurité en hochant la tête envers le lieutenant.

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CHIMÈRE MAUDITE & KINKAJOU CARMIN
La Pinède Céleste

Kinkajou Carmin effectua une grimace à tes paroles, rien qu'évoquer les autres Clans semblait le mettre en rogne. S'il était vrai que vous vous étiez unis face à un ennemi commun par le passé, on racontait aussi des temps où c'était eux qui s'arrachaient griffes et crocs. Tu n'avais jamais connu d'autre guerre que celle contre l'Empire, et encore, tu n'étais qu'une jeune apprentie.

- Si ça peut te rassurer, l'idée ne me ravie pas non plus.

Sentant ton camarade tendu, tu avais pris un ton un peu plus fluet, presque amusant. Tu espérais que le lieutenant ne le prendrait pas comme de l'irrespect, ou serait offensé que tu ai analysé son attitude.

Kinkajou Carmin fut surpris que la féline rebondisse sur son attitude et non sur ses paroles, mais il ne s'en formalisa pas. Soit, il n'avait probablement pas fait preuve d'un stoïcisme exemplaire, mais au moins Chimère Maudite partageait-elle son avis. À l'instar, il osait l'espérer, de tous leurs autres camarades. Si le Clan du Crépuscule et le Clan de l'Aube avaient été là pour annihiler l'Empire quand ce dernier s'en était pris à eux, ils étaient restés de marbre avant ça et les avaient attaqués les affaiblissant avant l'attaque de Cobra. Alors certes, ils avaient envoyé des félins chasser au hameau, mais le hameau était infiniment éloigné de la presqu'île et cette entreprise ne leur avait pas spécialement bénéficié. Et sitôt la paix de retour, une bataille avait éclaté avec une patrouille crépusculienne. Les autres Clans n'étaient leurs alliés que d'instants, et il était essentiel que personne ne l'oublie. Ils n'avaient pas besoin d'un autre Étoile du Golem, ou d'une autre entreprise de Tribu.

- Nous n'aurons pas à en arriver là, du moins faut-il l'espérer.

Kinkajou Carmin ne pariait pas sur l'avenir, jamais. Son existence avait été chamboulée par tant d'imprévus, il avait parfaitement conscience que l'avenir était incertain.

Lueur d'Obscurité a écrit:: Lueur d'Obscurité arpentait la pinède à la recherche de remèdes. Sa rencontre récente avec Etoile du Golem l'avait perturbé. En le revoyant, elle n'avait ressenti que de la colère, alors que pourtant, elle était tout autant responsable que lui. En ramassant des feuilles, elle comprit dans un soupir qu'elle était déjà en colère contre elle tout le temps. La haine présente dans les yeux de Nuage Ombragé, Nuage Mélodieux, Chant des Baleines, Poésie Lyrique... Tant de chatons souffrants ou morts à cause de son égoïsme, et d'un amour interdit. Dans ses pensées, elle n'entendit pas Kinkajou Carmin approcher, et sursauta quand il lui miaula poliment une salutation.

"- Kinkajou Carmin." Miaula tout aussi sobrement Lueur d'Obscurité en hochant la tête envers le lieutenant.

[ Il y a trop de choses qui se sont passés depuis, je préfère l'avorter et en lancer un nouveau si ça te va ? ]

Considérant qu'il n'y avait rien à ajouter de nécessaire à cette salutation polie, Kinkajou Carmin reprit son chemin pour continuer sa chasse, laissant Lueur d'Obscurité quant à elle continuer sa cueillette.

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Ô combien tu espérais qu'il ai raison. Tu te souvenais de ton enfance, loin des tiens, vivant dans une tanière de fortune dans une peur constante et rationnelle, tu ne voulais revivre ça pour rien au monde. Les clans avaient un bon équilibre malgré les tentions, sans la tribu tu n'avais aucun doute qu'ils se porteraient mieux. Tu te demandas si, du temps de tes ancêtres, sur les anciennes terres des chats loin de là, alors qu'ils vivaient en harmonie, il y avait eu des guerres comme les vôtres. Il faisait nuit, maintenant, alors tu te tournas vers Kinkajou Carmin.

- Ne penses-tu pas que nous devrions rentrer ?

Le mâle approuva en silence et vous quittâtes le tableau sans un mot.

Apollon a écrit:: Couronne d'Orties ne nia pas. Linnée Boréale était exceptionnelle dans son rôle de sœur. Bien sûr qu'elle tenait à lui. Lui aussi tenait à elle. Mais il était conscient que c'était avant tout un rôle. Si elle avait été une guerrière aubiste, jamais ils n'auraient été ainsi. C'était étrange de remettre en question une relation familiale de la sorte, mais tout ressemblait à une farce à ses yeux, une mise en scène, comme lorsque, chatons, ils s'imaginaient meneurs et lieutenants. Maintenant, ils s'imaginaient frères et sœurs.
Le félin tacheté jeta un coup d'oeil à Abysse du Dragon, assis à côté de lui. Son compagnon était deux fois plus imposant que lui. Est-ce qu'il allait casser sa branche ? Est-ce qu'il allait se vexer si Ortie lui disait qu'il risquait de casser sa branche ? Est-ce qu'Ortie voulait que Dragon descende de sa branche ? Non, il ne le dirait pas. Parce qu'étrangement, Abysse du Dragon n'était pas translucide comme les autres, il n'était pas un pantin à une place qu'on lui avait donné à la naissance de manière purement arbitraire. Il ne jouait pas le rôle que les bonnes mœurs réclamaient de lui.
La gueule de Couronne d'Orties trembla. Il avait tellement de choses à dire et en même temps si peu. Il ne voulait pas en parler, il ne pouvait pas l'exprimer à haute voix. Il ne savait même pas comment formuler sa pensée. Et pourtant, à qui d'autre pourrait-il le dire ? Qui d'autre aurait une chance de comprendre ce qu'il ressentait ?
Les deux guerriers restèrent un moment à regarder le ciel changer de couleur, passant du bleu à un doux orangé un peu rosé.
"J'ai l'impression qu'il me manque un truc, finit par lâcher Ortie de but en blanc. Je sais pas ce que c'est. C'est pas ma mère. Pas quelqu'un de ma famille. Je sais même pas si c'est une personne ou une chose ou... J'en sais rien."
Ses griffes rappèrent un peu le bois, preuve de son anxiété.
"Alors que je suis guerrier, on a récupéré notre territoire et détruit l'Empire. Rien n'a jamais été aussi calme et équilibré dans notre vie. Et c'est pas que ça me satisfait pas. C'est que je sais qu'il me manque quelque chose mais je suis incapable de mettre la patte dessus. ça m'énerve."
Non, ça m'effraie. Mais entre avouer ce qui l'agaçait et admettre qu'il en était terrifié, il existait un ravin immense qu'Ortie ne voulait pas traverser. ça m'effraie et le fait que tu sois le seul à peut-être pouvoir le comprendre m'effraie encore plus. Son échine s'hérissa très légèrement. Couronne d'Orties fit semblant de frissonner à cause du froid, alors que c'en n'était pas du tout.
"T'as pas besoin de répondre. Y'a rien à en dire. Je sais même pas pourquoi j'en parle."
Je sais très bien pourquoi je t'en parle.

« I'm evil to the core
What I shouldn't do I will
They say I'm emotional
What I want to save I'll kill
Is that who I truly am? »
• ABYSSE DU DRAGON •

-J'ai l'impression qu'il me manque un truc.

La voix de Couronne d'Orties s'éleva dans l'air froid et s'y désintégra en quelques volutes de vapeur, que le guerrier brun observa un long moment en écoutant le monologue de son camarade. Chacun de ses mots faisait douloureusement écho en lui, imprimant une marque indélébile et mettant en lumière des sentiments qu'il s'efforçait d'ignorer ; pourquoi travaillait-il si dur, pourquoi cherchait-il désespérément le respect de son père, si ce n'était pas pour combler un vide ? Abysse du Dragon frissonna à son tour, convulsivement, et il se retint de justesse de se jeter contre la fourrure du guerrier noir. Depuis quand avait-il l'air si doux, et si vulnérable ? Confus et honteux, il garda le silence un instant et finit par le briser de son ton bourru, qui portait pourtant les accents d'une douceur mal amenée :

-La famille et le Clan ne font pas tout. Il y a plus que ça.

"Quelque chose qui nous dépasse, et que l'on finira par obtenir, j'en suis certain". Le matou tut ce dernier commentaire, son regard se perdant à l'horizon qui commençait à se teinter du noir de la nuit.

-Pour nous, du moins, ajouta-t-il en songeant que certains d'entre eux semblaient bien plus… limités dans leur perspective. Nos horizons ne peuvent pas s'arrêter au simple constat que notre tribu et nos proches vont bien. C'est triste de se sentir enfin complet pour si peu, alors qu'il y a tant à convoiter. Il faut trouver le bon chemin. Et c'est agaçant d'avoir à le chercher, mais c'est aussi tellement plus excitant que de se contenter de la médiocrité.

Ils avaient un vide à combler, une quête de complétude à mener à bien, mais n'était-ce pas ce genre de félins qui marquait les esprits ? Le genre de félins qui ne trouvait pas satisfaction dans la simplicité d'un quotidien paisible. Le genre de félins qui ne parlait non pas d'équilibre, mais d'accomplissement.

-On va le trouver, ce truc qui manque, marmonna-t-il, soudainement grisé par la sensation de l'ambition éveillant chaque fibre de son être.

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

⟡ Monts et Merveilles ⟡
& Cœur de Violette

« Salut, Cœur de Violette, » miaulait le grand félin gris alors qu'il approchait de sa camarade. Assise avec grâce, son pelage crème et brun ondulant doucement dans la brise, elle évoquait douceur et pureté. Monts et Merveilles paraissait grossier à côté, avec son corps tout en longueur et ses mouvements maladroit ; il ressemblait à une brindille. « Je peux me joindre à toi ? » demanda-t-il de sa voix fluette, d'où perçait une certaine inquiétude. Il ne s'était jamais retrouvé seul avec la féline, pas même lors d'une patrouille : généralement, ses camarades fuyaient sa présence, du fait de sa maladresse. Il était plus efficace seul, de toute façon.
Timidement, il s'installa près d'elle.

@Morsure du Feu

Il y a tant à convoiter. Tant à découvrir, tant à explorer, tant à conquérir. Couronne d'Orties comprenait cette ambition qui vibrait dans la voix d'Abysse du Dragon. Elle faisait écho à quelque chose d'ancien en lui, d'ancestrale. Quelque chose qui l'effrayait. Ne t'en approche pas. Il ne voulait pas prendre ce chemin, celui qui poussait à toujours se dépasser au péril de sa vie, celui qui déchirait le cœur face à un échec. Couronne d'Orties le connaissait par coeur, sans jamais l'avoir expérimenté. Ne fais pas ça, Abysse du Dragon, voulut-il dire. Fais comme moi. Eloigne-t-en. Tu ne gagneras rien à fouler cette destinée. Que restait-il une fois tous les buts d'une existence atteints ? Que ferait Abysse du Dragon une fois chef ? Rien d'autre que la mort. Une satisfaction éphémère, remplacée par le goût du manque. Le manque dans lequel ils baignaient déjà tous les deux. L'impression de trop peu, que cet objectif n'était finalement peut-être pas suffisant.
Abysse du Dragon voulait conquérir le monde alors que Couronne d'Orties essayait tout juste de comprendre qui il était, pourquoi il se sentait si mal. Alors son ami l'effrayait. Il avait peur pour lui, peur pour sa vie. Pour leur vie.
Ils ne trouveraient jamais ce truc qui leur manquait. A peine l'auraient-ils effleuré qu'ils en seraient lassés. Ou alors... Si la vérité leur déplaisait ?
Je ne sais pas, se retint-il de chuchoter. Ce n'était pas la réponse que son ami attendait. Je ne sais pas. Je ne comprends pas et j'ai peur.
Couronne d'Orties détourna les yeux, honteux. Abysse du Dragon était une montagne de force et de détermination inébranlable. A coté, lui faisait si pâle figure. Il ressemblait à ce pin sur lequel ils étaient perchés. Un détail insignifiant dans le tout immense de leur monde. Un détail qui tomberait si la pente devenait trop escarpée, qui flamboierait au centre d'un incendie ou qui pourrait tout aussi bien être fauché par le tonnerre. Voilà peut-être pourquoi il se sentait si rassuré aux côtés du félin brun.
Parce qu'il est une montagne tout entier et je ne suis qu'un des ruisseaux qui borde son existence. Sauf que ne pas être un personnage prépondérant de leur histoire, eh bien c'était tout à fait au goût de Couronne d'Orties, qui préférait de loin être secondaire. Il n'avait pas à s'imposer, à conquérir. Il pouvait se contenter d'hésiter, déambuler ici et là, à la recherche de la vérité. Ils finiraient peut-être par la trouver grâce au hasard, par la force ou par la discrétion. Et si Abysse du Dragon partageait cette vérité avec lui... Alors peut-être qu'un peu de sa force lui serait transmis. Peut-être que Couronne d'Orties se sentirait assez fort pour la supporter.
Le guerrier déglutit et finit par hocher la tête.
"J'espère que tu as raison."

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La Pinède Céleste

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