Elles arrivèrent à la frontière -du moins à l'un des points frontaliers- avec l'ex-Tribu du Zénith, silhouettes enveloppées de l'or crépusculaire du soleil. Elles avaient marché à trois, Rivière d'Argile, Chevêchette des Rocheuses et, improbable dernière, Mirage Eternel, lentement mais sûrement jusqu'à ce point du territoire où, désormais, leurs destins se scellaient. Le départ avait été décidé, acté, assumé publiquement mais dans un drôle d'état second puisque malgré l'expression de leur désertion, elles n'avaient fait que marcher sur un territoire familier. Et chaque pas avait été aussi familier que tous les précédents faits sur ce territoire, évoquant à Boule un sentiment de chez-soi que ne rompait enfin que cette vision crépusculaire sur les hauteurs esquivées du Déclin Ensoleillé. Là, maintenant enfin, cela se voyait : Chevêchette des Rocheuses et elle partaient. Elles allaient franchir une nouvelle fois la frontière ensemble -cette fois non pour aller rêver à la Cénote aux Etoiles comme deux apprenties dévoyées mais avec le fier statut de déserteuses. Elles n'en avaient pas franchement parlé mais Boule tirait de cette idée un plaisir semblable à celui ressentit lorsqu'elle avait été baptisée guerrière.

Elle se tourna vers son ancienne apprentie, une si belle chatte pleine de talents prometteurs dont la disparition serait forcément une perte pour le Clan de la Nuit bien que Salamandre... non, Etoile Incendiaire soit un tel boulet qu'il serait capable de ne pas voir le potentiel de sa guerrière.

"Mirage Eternel, merci infiniment de nous avoir accompagné. Je suis contente que ça ait été toi et personne d'autre. Mais maintenant que nous sommes là, je te repose la question : qu'est-ce que tu comptes faire ?"

Elle s'abstint d'ajouter quelque chose du genre : "comprends-tu ce que cela signifierait ?" parce que c'était Mirage Eternel. Evidemment qu'elle savait ce que cela signifierait et c'était très probablement pour ça qu'elle affichait cet air déchiré. En croisant son regard, Boule sentit une petite corde vibrer dans sa poitrine et elle lui sourit, sincère, résistant à l'envie d'aller se frotter à Mirage Eternel en ronronnant. Tu vas me manquer.