Au-delà des Frontières - Le Hameau

Rappel du premier message :

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Sur les nouvelles terres claniques, les bipèdes sont rares, et sont surtout concentrés dans ce hameau à la lisière du territoire nuiteux.

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◉ Ecaille ◉
& Nuage d'une Berceuse

La proposition de Nuage d'une Berceuse toucha le matou, bien qu'il ne soit pas capable de l'admettre. C'était d'ailleurs tentant, mais Ecaille savait que son grand-père refuserait. Il ne souhaitait pas être guéri par un membre du clan de la Nuit - ni n'importe quel autre clan - et semblait attendre la fin. Le jeune félin eut un hoquet douloureux, peinant à masquer sa peine. « Je pense qu'il préfère rester seul, maintenant. Tout ira bien, mais je te remercie pour ton aide, vraiment. » Et pour une fois, il était honnête.

Nuage d'une Berceuse
« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

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La féline baissa légèrement la tête, peiné pour le matou en face d'elle. Elle comprennait en soit le refus, elle n'était elle-même pas sure d'accepter l'aide d'inconnue.

-D'accord, si besoins, tu peux toujours venir nous chercher.

(Fin ?)

| Neige Sibylline - Nuage Envolé |

La jeune guerrière qu'elle était, encensée pour ses exploits au combat, apprenait peu à peu à connaître les terres de son Clan. Elle les découvrait tout juste, n'ayant eu l'occasion de visiter que le camp du temps où les siens vivaient dans les montagnes, avant l'égide de l'Empire, puisqu'elle n'était alors qu'un chaton. Mais ils étaient de retour désormais, un Clan tout ce qu'il y avait de plus vrai, avec un chef, un lieutenant, une guérisseuse digne de ce nom et un territoire à eux. Tout ce dont elle avait rêvé, et qu'elle protègerait maintenant jusqu'à la mort. Pourtant, il lui arrivait de penser avec nostalgie à la presqu'île. C'était là-bas qu'elle avait tout appris, là-bas qu'elle avait grandi, quand ici elle n'avait fait que perdre. Mais elle travaillait dur chaque jour pour s'approprier chaque parcelle du terrain des siens, et en faire son chez-elle, parce que c'était ce à quoi elle avait toujours aspiré et qu'il ne devait rester aucune place pour un attachement à l'égard des zones neutres. Elle longeait les frontières, regardant toujours avec appréhension les territoires solitaires. Restait-il ne serait-ce qu'un membre de l'Empire, habité d'une étincelle qui viendrait faire renaître la menace ? Ils élimineraient tout risque, les solitaires n'avaient pas leur place dans leurs rangs. Elle arrivait à la frontière avec le hameau quand elle reconnut un félin semblant sortir d'un souvenir lointain. Un compagnon d'enfance, mais, surtout, un déserteur.

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NUAGE OMBRAGÉ

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- feat. NUAGE DÉCHIRÉ -

Nuage Ombragé n'en revenait toujours pas. Les yeux écarquillés, alors qu'il peinait à se traîner d'un pas hasardeux, le novice sentait encore son cœur battre à pleine puissance dans sa cage thoracique sous l'effet de la colère grandissante. De la haine ardente qui coulait dans ses veines. Les souvenirs lui revenaient peu à peu, malgré sa tête qui avait heurté le sol avec violence, l'étourdissant alors et laissant échapper l'unique chance de tuer son géniteur. Qui était vivant. Vivant. Libre. Il cracha de fureur une énième fois. Quel lâche ! Quel cœur de renard ! Pourquoi ne revenait-il pas dans le camp s'excuser platement aux pattes d'Etoile du Phoenix pour tout le mal qu'il a causé ? Pourquoi reste-t-il terré ici, loin des siens, comme un moins que rien ?! Comme un mauvais chef : il avait ignoré les conséquences de ses actes et une fois sur place, il ne revenait pas… Comme un mauvais... père. Non, son père n'était pas ce misérable, jamais il ne le serait. Nuage Ombragé avait d'autres modèles : il avait osé accepter l'affrontement son propre fils. Une chose était certaine ; Golem était dangereux. Rugissant de haine et de frustration, il arracha une motte d'herbe à toute volée. Où était-il parti ?! Il fallait qu'il le retrouve pour le tailler en pièce et l'arrêter. Il ne devait pas être bien loin... mais sa trace s'était comme envolée et Nuage Ombragé grondait devant son impuissance et sa faiblesse. Il n'était pas encore assez fort, il le savait. Et cela l'achevait de l'agacer au plus haut point. Il ne rentrerait pas au camp tant qu'il ne serait pas certain qu'il soit loin d'ici, il était résolu. Malgré son crâne et son flanc sanguinolant, il continuerait à arpenter la frontière pour s'assurer qu'il n'était pas dans les parages. Golem était vivant. Et cette information brutale et incongrue malheureusement réelle pourrait tout changer, au sein du camp, il le savait.

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« Yeah, I'm no stranger to the broken
We've all had dreams we never spoken
The world is scattered with these stories
This train is bound for glory. »

• Nuage Déchiré •

Nuage Déchiré n'attendait pas vraiment l'aval de son mentor pour sortir et découvrir ce magnifique territoire qui leur avait été volé tant de lunes : au sein de ces montagnes, elle se sentait enfin chez elle. Elle était enfin chez elle. Malgré les fautes d'Étoile du Golem, les erreurs de Lueur d'Obscurité et Clarté Nocturne, le joug de Cobra… le Clan de la Nuit s'en sortait vainqueur, plus fort que jamais. Plus rien ne pourrait leur retirer cela. Elle se battrait pour l'honneur de sa tribu jusqu'à son dernier souffle ! Emportée par un élan d'excitation, la novice bondit par-dessus une pierre puis dévala la pente rocheuse à toute allure, sentant le vent lui fouetter le visage et plaquer ses moustaches contre sa face. Une odeur de souris la fit s'arrêter brutalement et elle dérapa dans les gravillons en redressant la tête, les sens aux aguets. Comme on le lui avait enseigné, la femelle tricolore adopta la position du chasseur et approcha du rongeur en silence, avant de bondir pour la tuer d'un coup de pattes sur la nuque. "Je deviens bonne à ça !" songea-t-elle alors en cachant sa proie entre deux rochers. Une odeur de sang l'alarma alors, et des bruits de pas dignes d'un blaireau se firent entendre ; redressant les oreilles, Horizon entrouvrit la gueule pour goûter l'air et reconnut sans mal le parfum de Nuage Ombragé. Était-il blessé ?! Inquiète pour son ami, elle bondit prestement dans sa direction et l'avisa non loin de là, fulminant à la frontière. Elle ne l'avait jamais vu dans un tel état, et il portait des traces d'affrontement.

-Nuage Ombragé ! s'exclama alors la jeune chatte en s'approchant de son ami. Par le Clan des Étoiles, que t'est-t-il arrivé ? Tu saignes ! Il faut t'amener à Égide Sacrée !

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

NUAGE OMBRAGÉ

Une voix catastrophée le sorti brutalement de sa transe, le faisant prendre conscience soudainement de son état. Nuage Déchiré lui faisait face, les yeux écarquillés. De toutes les personnes qu'il aurait pu croiser, Nuage Ombragé remercia ses ancêtres d'être tombé sur elle. C'était une de ses bonnes amies du Clan, il savait que ce confier à elle n'était pas un danger. Pourtant, la fureur à laquelle il faisait face obscurcissait son soulagement et sa joie de la voir. Son principal objectif n'était pas de se soigner comme Horizon voulait le faire, mais de réveler à tous l'horripilante vérité. Il émit un grondement sourd frustré, balayant ses inquiétudes d'un revers de la queue :
- Ce n'est pas le moment ! rugit-il en ruant vers elle, l'heure est grave : mon père, Golem, est vivant !! Il est là, quelque part ! Tu ne l'as pas vu ? Grand, brun, pelage long ?! Il est sûrement dangereux, cet espèce de lâche... je vais lui faire la peau, je dois remonter sa trace !
En feulant ses paroles avec virulence, il se mit à faire les cents pas, tel un lion en cage.

« Yeah, I'm no stranger to the broken
We've all had dreams we never spoken
The world is scattered with these stories
This train is bound for glory. »

• Nuage Déchiré •

La jeune novice faillit répondre vertement à Nuage Ombragé lorsqu'il réagit au quart de tour et l'envoya paître à moitié, mais la suite de son discours l'alarma et sa détresse ne la laissa pas insensible. Lui passant donc son accès d'humeur, en proie à une pointe de panique, Nuage Déchiré écarquilla les yeux face à ses explications et entrouvrit la gueule pour exprimer ses inquiétudes : comment lui était-il tombé dessus ? L'avait-il attaqué ? Que s'étaient-ils dits ? Par où était-il parti ? Cependant, aucun son ne sortit. Éberluée, la femelle au pelage asymétrique ne savait simplement pas comment réagir à une telle annonce. Toute sa vie, on lui avait transmis la haine d'Étoile du Golem, et voilà qu'elle apprenait qu'il était de retour et qu'il avait violenté son propre fils !

-Par le Clan des Étoiles, balbutia-t-elle finalement après un moment de mutisme. Si je l'avais vu, je serais probablement dans le même état que toi !

Suivant son ami dans ses déambulations, elle finit par poser sa queue sur son épaule pour l'arrêter et ajouta en respirant profondément :

-Ne cédons pas à la panique. On ne peut pas lui courir après, deux apprentis dont un blessé et une à peine sortie de la pouponnière, contre un guerrier aguerri, on ne fait pas le poids !

Horizon réfléchit brièvement.

-Reprends ton souffle, déjà, on ne pourra rien faire de plus là tout de suite, conclut-elle en espérant ne pas se faire rabrouer une fois de plus.

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

NUAGE OMBRAGÉ

Nuage Déchiré parut aussi choquée que le novice tricolore, comme si son état de panique avait déteint sur la minette, qui ne semblait plus savoir sur quelle patte danser. L'heure n'était plus au tact et à la courtoisie, Nuage Ombragé fulminait, son air froid et maître de lui-même habituel avait éclaté en mille morceaux, révélant un chat aussi impulsif que sensible, se laissant submerger par ses émotions. Il détestait pourtant perdre patte ainsi... oh, qu'est ce qu'il se haïssait, à ce moment-là.
Soudain, il s'arrêta net, comme électrisé par le contact de Nuage Déchiré. Il laissa ses prunelles rencontrer les siennes et se força à se concentrer sur ses paroles. Un grondement remonta dans sa gorge mais ne franchit cette fois pas la barrière de ses lèvres, préférant de ne pas rester dans cet état. Elle disait vrai, il devait se reprendre et inspirer profondément et chasser de son être la colère sourde qui menaçait de l'anéantir complètement.
Il baissa la tête, fermant fort les yeux, mais ses souvenirs n'étaient que le visage de son géniteur qui lui tournait dans son crâne. Une nouvelle vague de frustration le traversa et il rouvrit violement ses paupières :
- J'ai été pitoyable, fit-il pour toute réponse, grattant furieusement l'herbe à ses pattes. Je n'ai pas su l'arrêter. Il m'a montré son vrai visage. Et tu as raison, je ne suis pas en état de recommencer et je refuse que en tu en subisses les conséquences, toi aussi.
Il inspira à nouveau avant de reprendre :
- Il est clair que le Clan mérite de savoir ce qu'il est devenu de leur ancien "chef", mais ils vont comprendre que je n'ai pas été capable de venger mon Clan pour le mal qu'il a fait.

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• Nuage Déchiré •

Nuage Ombragé semblait véritablement bouleversé par cette découverte, et la jeune chatte compatissait : même sans avoir croisé le chemin d'Étoile du Golem, elle était stupéfaite, alors imaginer l'état de fébrilité de son ami n'était pas si compliqué… Pourtant, elle ne pouvait pas le laisser se flageller ainsi. Et surtout, elle ne pouvait pas le laisser se vider de son sang. Se souvenant de la technique des guérisseuses pour panser les plaies au retour de la bataille, Nuage Déchiré se détourna un instant du jeune mâle et alla chercher quelques toiles d'araignée qu'elle entreprit d'appliquer maladroitement sur ses plaies sans lui laisser le choix. Ça collait, ces trucs !

-Ne bouge pas, ordonna-t-elle fermement en l'écoutant réfléchir à voix haute. Tu n'as pas été pitoyable, tu as l'air de t'être battu comme un lion ! C'est un vétéran, et tu es apprenti. Tu n'aurais rien pu faire de plus.

Sa voix s'était adoucie, et la femelle tricolore effleura la joue de son camarade du bout de la truffe en espérant lui témoigner l'ampleur de son admiration. Il avait affronté un guerrier qui aurait pu le réduire en charpie et s'en était sorti avec quelques égratignures !

-Je suis sûre que peu de félins auraient été capables de lui tenir tête, tu n'as pas à t'en vouloir, ajouta-t-elle en reprenant quelques toiles. Et si le Clan ou n'importe qui te reproche quoi que ce soit, je le taille en pièces !

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

NUAGE OMBRAGÉ

Devant la gigantesque taille de Golem, Nuage Ombragé s'était senti inférieur d'office. Cependant, il n'en avait rien laissé paraître, décidé à en découdre et lui rendre la monnaie de sa pièce, peu importe les conséquences, plus tard. Dont, celle-ci ; se laisser soigner par une apprentie plus jeune que lui, être obligé de lui dévoiler ses faiblesses, de se sentir vulnérable. Il détestait cette position d'infériorité mais se laissa faire tout de même lorsqu'elle lui appliqua les toiles d'araignées sur ses plaies. Silencieux d'abord, il l'observa faire. Immobile, sa colère s'apaisa progressivement, suivant les faits et gestes de sa camarade tout en écoutant ses paroles. Elles réussissent à l'apaiser de quelques peu, faisant gonfler son poitrail immaculé de fierté. Fier d'avoir défendu son Clan au péril de sa vie. Déçu de n'avoir pas pu ramener la dépouille de Golem à ses camarades. Frustré qu'il se soit enfuit sous ses yeux. Hypnotisé par le parfum de Nuage Déchiré sous son museau. Ce cocktail explosif se déversait dans ses veines, le positionnant au carrefour d'une envie de s'enfuir à toutes pattes ou d'enfouir son museau dans le pelage bicolore de sa camarade.
Pourtant, il resta parfaitement stoïque :
- Je m'entraînerai encore plus dur, alors, fit-il entre ses crocs serrés, dans un air déterminé, relevant la tête vers la cime des arbres. Je le retrouverai et cette fois-ci, l'issue du combat sera différente.
Il jeta un œil à ses blessures et ajouta, d'un ton moins dur, reconnaissant pour son aide, mais également très gêné, tout d'un coup :
- Je... t'en remercie. Tu n'auras pas à me soigner, la prochaine fois, je te le promets.

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• Nuage Déchiré & Nuage Ombragé •

Le contraste entre la fougueuse détermination et la gêne soudaine de son camarade arracha un sourire à Nuage Déchiré, qui lui asséna une pichenette amicale du bout de la queue. Quelle boule de poils sensible il était, sous ses airs de gros matou sérieux ! Ronronnant à cette pensée, étrangement attendrie par le comportement de Nuage Ombragé, la jeune novice haussa les épaules.

-J'espère en tout cas, parce que ça colle aux pattes, ces saletés, fit-elle en secouant lesdites pattes pleines de toiles d'araignée.

Elle lui en appliqua une dernière sur une petite plaie restante, avant d'ajouter plus bas :

-Je sais que tu seras à la hauteur, tu vas devenir un bien meilleur félin que ton père.

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

NUAGE OMBRAGÉ

Agitant son oreille, comme électrisé par son unique contact et ses simples paroles qui lui firent chaud au coeur, le novice frôla le haut de son crâne brièvement du museau en répondant :
- C'est tout ce que j'espère.
Nuage Ombragé finit par se secouer pour reprendre contenance et remettre ses idées en place et laisser les principales arriver au devant de la scène :
- Bon, je dois aller trouver Etoile du Phoenix, lui seul saura quoi faire. Tu m'accompagnes au camp ?

(On finit ? :3 On peut en relancer un autre qui se passe après pour qu'elle soit au courant qu'il faut pas le dire x) )

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« High achiever, don't you see?
Baby, nothing comes for free
They say I'm a control freak
Driven by a greed to succeed
Nobody can stop me. »

• Nuage Déchiré •

La réponse de Nuage Ombragé rassura la jeune chatte, qui était heureuse de le voir de nouveau d'aplomb après toutes ces émotions. Hochant la tête à ses paroles, elle se redressa d'un même mouvement et l'accompagna jusqu'au camp, leur fourrure se frôlant.

(Avec plaisir ! Je t'envoie un MP pour planifier ça. :3)

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

| Patrouille |
Kinkajou Carmin, Horizon Déchiré, Dragon Blanc, Nuage Scindé

Entre les assassinats de Douceur du Styx, Toison Argenté ou encore Accord Parfait, l'annexion de la prairie chatoyante, et les revendications sur fond d'animosité de Margay Solaire à la dernière assemblée, Étoile du Phoenix et Kinkajou Carmin avaient pris la décision d'appuyer plus encore sur la surveillance de la frontière avec les terres libres, qui faisaient déjà auparavant l'objet d'une attention particulière. Bien sûr ils n'en oubliaient pas pour autant de garder un œil sur leurs voisins claniques, mais au moins eux savaient appliquer un code. Ainsi ce jour-là le lieutenant menait-il une patrouille le long de la frontière avec les terres solitaires et les terres zénithiennes, passant du chemin du tonnerre au hameau jusqu'au déclin ensoleillé, tandis qu'une autre patrouille vérifiait le pan qui s'étendait entre le creux des collines et le déclin ensoleillé.

- Si vous repérez la moindre trace suspecte, signalez-le.

Rappela Kinkajou Carmin à ses guerriers. Il était accompagné de Horizon Déchiré, la symbole de la renaissance du Clan de la Nuit, Dragon Blanc, le petit-fils de son défunt mentor, et Nuage Scindé, sa fille qui lui posait tant de dilemmes, qui éveillait tant de questions, et dont il ne savait que penser.

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« High achiever, don't you see?
Baby, nothing comes for free
They say I'm a control freak
Driven by a greed to succeed
Nobody can stop me. »

• Horizon Déchiré •

Maintenant qu'elle était guerrière, les patrouilles lui semblaient différentes : elle n'était plus la jeune apprentie qui restait en arrière et se devait d'écouter en silence, demeurant attentive aux moindres faits et gestes de ses aînés. Dans les faits, son attitude n'avait pas vraiment changé, mais Horizon Déchiré envisageait cette nouvelle tâche avec davantage de fierté. Cependant, la présence de Nuage Scindé éveillait en elle une pointe de malaise qui entachait son expérience ; l'apprentie était plus âgée qu'elle, et sa personnalité étrange avait le don de la gêner. Il s'agissait pourtant de la fille de Kinkajou Carmin, tout comme Abysse du Dragon, mais cela créait une certaine dissonance dans l'esprit de la femelle tricolore. Son frère était déjà considéré comme un bon guerrier du Clan par un certains nombres de leurs camarades, et elle ne serait pas étonnée de le voir devenir le prochain lieutenant, tandis que Crevasse demeurait éternellement coincée au statut d'apprentie. Leur tribu ne lui faisait pas encore confiance, et la jeune chatte comprenait pourquoi. Chassant pourtant ses pensées d'un frétillement d'oreilles, elle opina du chef aux ordres du meneur de patrouille et remonta la frontière de son côté, sentant l'odeur familière de Quetzal du mauvais côté du marquage. Sa fourrure se hérissa ; après les récentes remontrances d'Etoile du Phoenix à ce sujet, elle ne pouvait se permettre de couvrir les actes de son ancienne amie. Sans aucune hésitation, la guerrière héla alors Kinkajou Carmin et déclara d'une voix pressante :

-Il y a une trace récente d'incartade, un membre du Zénith a dû franchir la frontière. L'odeur est isolée, et je la reconnais, c'est celle de Quetzal. Ce n'est pas la première fois que je surprends sa présence du mauvais côté du marquage.

Son ton était détaché, d'une froideur qui ne ressemblait guère à la jeune femelle ; cependant, elle en voulait à la Zénithienne d'avoir fait douter son meneur de sa loyauté au Clan. C'était une petite chatte inoffensive, plus jeune qu'elle, mais à cause de son attitude désinvolte, Horizon Déchiré avait éveillé les soupçons de Cœur de Violette qui s'était empressée de prévenir Étoile du Phoenix. Comme si elle était capable de faire passer une vague sympathie pour un adversaire avant son Clan ! Mais toutes les situations ne se réglaient pas à coups de griffes, et s'en prendre à plus faible qu'elle ne lui plaisait pas.

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

Son père était partout. Partout où elle regardait, elle retrouvait sa silhouette tigrée dans un coin de vision. Même les paupières closes, son image semblait la poursuivre, et ses yeux écarlates lui restaient accrochés à sa nuque. Une sensation désagréable, semblable à une marée d’insectes lui grimpant la peau. Qui se retrouvait décuplée en ce jour-là, alors qu’aucun pin n’aurait pu la dissimuler de ses sens.
Il te surveille, Crevasse.
Les épaules trapues, Nuage Scindé s’engagea à l’arrière de la troupe, le marmonnement continuant à bouillir dans sa tête baissée. Elle préférait rester en retrait, préférait ainsi garder un semblant de contrôle sur son géniteur qui demeurait dans son champ d’action à elle. Cependant, les bruits persistaient dans ses pensées, attirant son attention çà et là, tel un aimant, si bien qu’elle faillit se heurter à Horizon Déchiré, qui avait le museau à l’air. La féline avait vraisemblablement flairé un effluve étranger, et, sa tête s’enfonçant dans ses épaules, l’échine hérissée, Nuage Scindé s’extirpa prudemment de l’ombre de la guerrière. Cependant, Crevasse ne parvint pas à déceler un parfum précis se détachant de l’odeur iodée remontant depuis l’océan. Envahissante. Ce sel débordant d’un océan en furie en contrebas. Elle pouvait presque sentir la marée venir lécher la pointe de ses pattes. Elle avait horreur du son des vagues, du goût du sable, et telle était l’odeur du Clan du Zénith.

« La mer n’a rien à trouver au sein des montagnes. »

| Nuage Chouette - Lanterne |

Dès qu'elle esquivait un pas dans cette direction, il y avait quelqu'un pour l'arrêter. Il était plus simple de traîner du côté du crépuscule et de l'aube, que de celui des solitaires et du zénith, même si on la réprimandait pour l'un comme pour l'autre. Mais ça ne l'empêchait pas d'essayer, encore et encore, et presque toujours pour se faire attraper, et punir une énième fois. Ce qu'elle en avait marre, de la mousse et de la bile de souris. Ce qu'elle en avait marre, des leçons de morale des anciens qui n'en étaient pas, et du regard moralisateur de sa mère entourée de ses petits frères et sœurs. Eux aussi seraient mieux qu'elle, de toute façon, il ne pouvait y avoir que mieux qu'elle, n'est-ce pas !? Elle approchait des terres au-delà des frontières claniques avec le secret espoir de croiser sa tante ou son oncle. Eux n'étaient pas mieux qu'elle. Eux aussi avaient déçu toute la famille. Eux pouvaient la comprendre, comme Nuage du Grizzly. Peut-être Griffe d'Ardoise avait fini par en arriver là parce que… Parce que personne ne l'avait regardée pour qui elle était, se contentant de la regarder pour ce qu'elle aurait dû être.

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Ses coussinets s’enfoncèrent dans la boue des bipèdes pour la première fois. Derrière devait se trouver le territoire de ses parents. Les forêts, les landes et le phare de leurs histoires. La terre, humide et visqueuse, colla à ses poils bruns rayés. Lanterne fronça les sourcils et retira à la hâte ses coussinets. La malfaisance de l’endroit était évidente. La terre cherchait à l’attirer, l’absorber pour l’enterrer au milieu des racines des arbres. De grandes maisons de bipèdes parvenaient malgré tout à se dresser vers l’horizon. Ce n’était pas un endroit pour des félins. Toute l’odeur de l’endroit le lui criait. Tu n’es pas chez toi dit le vent, qui hurla entre les toits.
“Je sais,” gronda Lanterne.
C’est dangereux ici pour une petite féline comme toi.
“Je suis plus dangereuse qu’il n’y paraît. Va effrayer d’autres chatons !”
Elle n’était pas plus dangereuse qu’elle n’y paraissait. Physiquement, elle n’avait aucune force, aucune technique de combat sinon celles qu’elle avait imaginé grâce aux histoires de ses géniteurs, mais qu’elle était incapable de mettre en oeuvre puisqu’elle n’avait reçu aucun entraînement.
Comme tu l’entends ! répondit le vent, qui s’enfuit entre les rues du hameau.
En partant, il hérissa les poils de Lanterne qui frissonna. La pluie s’était arrêtée depuis très peu de temps. L’odeur du pétrichor lui piquait le museau. ça sentait comme une menace vicieuse et étouffante. Le calme après la pluie n’était pas de bonne augure. Le chant des larmes du ciel protégeait, car tous s’en abritaient. Tous, sauf Lanterne, qui désormais était sans défense sans cette égide aqueuse. Et maintenant que le vent n’était même plus là pour l’accompagner… la féline était bien seule.
Elle avait toutefois trop de fierté pour le rappeler. Il n’était jamais bien loin, de toute manière. Il l’attendrait à la sortie du Hameau. Son sixième sens l’incita à se tourner sur elle-même à plusieurs reprises. Peut-être qu’il n’était pas parti, au final ?
“Espèce de traître, je sais que t’es toujours là !”
Et au final, ce n’était pas le vent, pas la pluie, ni aucun autre élément nouveau provenant des bipèdes. Il s’agissait d’une féline.
“Oh.”
Se mettant en position de défense, Lanterne plissa les yeux.
“Bonjour, dit-elle d’un ton méfiant. Je ne fais que passer. Je ne te dérangerai pas sur son territoire.”
Le vent revint effectivement, au bon moment, pour apporter jusqu’à elle l’odeur de l’inconnue. Les… clans ?
Tu aurais pu me montrer ça avant ! accusa-t-elle le vent.
Lanterne se redressa donc, toujours méfiante mais moins en faute.
“En fait, ce n’est pas ton territoire non plus. Tu es clanique.”

Elle avait hésité, traîner aux frontières c'était une chose, les franchir en était une autre. Elle ne l'avait jamais fait encore. Et on avait été on ne peut plus clair, quant au hameau où traînaient chats de gouttière, solitaires et domestiques : que de très mauvaises influences. Son hésitation fut de courte durée. Cœur de Violette et Étoile Acharnée avaient des abeilles dans le crâne, depuis quand se souciait-elle de leurs conseils ? Elle s'assura de n'être pas suivie, et quitta les terres de son Clan pour se rapprocher des grandes bâtisses bipèdes, faites de pierres assemblées. Les murs évoquaient les parois du camp, en plus simples à escalader semblait-il... Elle avançait à pas prudents, aux aguets, les oreilles remuant au moindre son, la gueule entrouverte pour tenter de repérer des chats, sous ses fortes odeurs bipèdes. "[i]Espèce de traître ! Je sais que tu es là !" Un chat ! Un chaton même, d'après la voix aigüe qui s'était élevée. Nuage Chouette ronronna, sa mentor ne l'avait pas rattrapée avant qu'elle ne tombe sur quelqu'un. Elle accéléra, baissant sa garde, pour se retrouver face à une petite féline rousse.

- Bonjour ! Oui, je suis Nuage Chouette. Et toi, tu viens d'où ?

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Lanterne écarta ses oreilles. L'inconnue clanique n'était pas méfiante, pas effrayée. Elle semblait même fort contente de croiser quelqu'un d'autre. Elle est inconsciente, se dit la chatonne. Ses parents lui avaient toujours dit de ne pas parler aux inconnus et de surtout fuir lorsque des solitaires approchaient. Celle-ci venait de faire tout l'inverse. Tu as aussi fait l'inverse, grinça une chaumière. En lui parlant tout à l'heure. Bon, certes, mais Lanterne n'était pas connu pour être la fille plus obéissante de la montagne, ni la plus futée.
Dans tous les cas, les claniques étaient censés vivre sur leurs territoires, pas dans des villes de bipèdes. Cette Nuage Chouette était-elle une paria ? Une bannie ? Avait-elle fait d'horribles choses ? Tué des félins ? On ne sent pas sur les pattes de celui qui nous nourrit, disait Ortie. Le souci étant qu'on ne sentait pas plus le sang sur les pattes d'un assassin.
La chatonne fit un pas en arrière de méfiance. Même si la féline n'était qu'une apprentie, elle plaquerait la féline au sol dans la moindre difficulté et lui trancherait la gorge tout aussi rapidement.
"Pourquoi es-tu aussi loin de chez toi ? demanda-t-elle avec méfiance. Es-tu bannie ?"

Bannie ? Peut-être le serait-elle un jour… Ou plutôt suivrait-elle son frère le jour où, sans nul doute, il finirait pas dépasser les bornes avec un tel brio qu'on l'enverrait à la suite de Griffe d'Ardoise et Abysse du Dragon. Après tout, Nuage du Grizzly avait une tendance plus marquée qu'elle encore à s'attirer des ennuis de toutes sortes. Mais il était resté auprès d'elle au lieu de suivre certaines de ses impulsions, et Nuage Chouette lui en était profondément reconnaissante. Elle ne savait pas ce qu'elle aurait fait, sans lui. Elle aurait toujours eu Nuage d'Argile mais… ce n'était pas pareil. Nuage d'Argile s'entendait avec Nuage de Pygargue, elle.

- Oh non, j'suis pas bannie, je crois que ma tante l'est par contre, mais difficile à dire, elle était plus là pour recevoir la sentence… Enfin non, j'suis pas bannie, je visite juste, dans l'espoir de rencontrer des nouveaux visages avec lesquels faire connaissance. Comme toi, par exemple !

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| Retour de Gouffre |
Avec @Étoile Acharnée

le hameau - Au-delà des Frontières - Le Hameau - Page 3 Gouffr49

« All you have is your fire
And the place you need to reach
Don't you ever
Tame your demons
But always keep 'em on a leash. »
• ABYSSE DU DRAGON •

La solitude. Depuis qu'il avait réussi à s'échapper du nid où des bipèdes le tenaient captif, bien plus bas au cœur d'une vallée éloignée, elle était sa seule amie ; les montagnes successives, indifférentes, ne lui rendaient que le tintement assourdissant du collier à clochette qu'il se trimballait depuis le début de son errance. Seul au milieu des pics acérés et de la pierre insensible, Abysse du Dragon avançait dans le froid glacial depuis des jours, peut-être des lunes -il ne savait plus. Ses coussinets à vif, rendus vulnérables par sa longue période d'enfermement, laissaient des traces sanguinolentes sur son passage et le faisaient boitiller de douleur. Cependant, rien ne semblait pouvoir entamer sa détermination à rentrer chez lui ; ni la fatigue, ni la faim causées par d'interminables journées et nuits de vagabondage. Son embonpoint gagné lors de sa vie de chat domestique avait fondu comme neige au soleil, et ses os se devinaient sans mal sous son habituelle fourrure épaisse, désormais clairsemée. Les muscles, aussi, avaient disparu. Squelettique, Gouffre était mû par une énergie qu'il puisait dans ses dernières forces, et chaque pas semblait porter la menace d'un effondrement imminent ; pourtant, il poursuivait. Hagard, bien loin de l'imposant guerrier du Clan de la Nuit qu'il avait un jour été, il suivait un énième chemin familier -sans grande conviction, pourtant. Après tout ce temps passé à déambuler entre des rochers tous plus ressemblants les uns que les autres, après cent faux espoirs, à penser reconnaître une caillasse, un sentier montagneux, une succession de pins, à s'imaginer découvrir les limites du territoire de son foyer natal derrière chaque amoncellement de pierres, le félin avait fini par atteindre un état de résignation incrédule. Il ne retrouverait peut-être jamais son chez-lui, mais au moins, il ne cesserait pas de chercher. Sa résolution était intacte. Obsédé comme il l'était par sa quête, Abysse du Dragon en oubliait les circonstances dramatiques qui avaient mené à son exil forcé. Du moins, c'était le cas la journée. La nuit rappelait à sa mémoire le sang, le chaos et la colère qui avaient vu s'éteindre Horizon Déchiré. La nuit lui soufflait qu'il n'avait plus sa place nulle part, car il avait tourné le dos à sa jumelle et déçu son Clan en le laissant dans l'incertitude. La nuit le ramenait à ses démons. Il était seul au monde, et sa solitude ne s'effacerait sans doute pas même au milieu des siens. Pouvait-il toujours les appeler les siens ? Ces félins qu'il avait trahis, abandonnés, à qui il... elle... ils avaient arraché leur lieutenante. Leur fille. Leur sœur. Leur amie. Leur compagne.

Le mâle brun frissonna. Il fixait ses pattes, les déplaçant l'une après l'autre en retroussant ses babines sur un rictus meurtri. Qu'avait-il fait ? Qu'allait-il dire ? Les bribes de souvenirs qu'il gardait de ce jour maudit ne satisferaient personne, lui le premier. Seul le dernier regard qu'il avait échangé avec Griffe d'Ardoise le hantait, sur fond de douleur et de colère. Persistait depuis le sentiment amer d'avoir été trahi par le prolongement de son être. Et le vide. Le vide laissé par la perte d'une moitié de son essence. Gouffre n'avait jamais connu pire souffrance, et chaque nuit, le néant se faisait oppressant ; mais aussi la haine, la culpabilité et les remords. Crevasse lui manquait, il pouvait la ressentir tel un membre amputé, et pourtant il la détestait de tout son être. La vérité était là, nichée quelque part au fond de ses souvenirs ; mais dès que sa conscience l'effleurait, elle s'échappait aussitôt et il se réveillait en sursaut, tremblant, le nom de sa jumelle accroché aux babines et l'odeur du sang lui emplissant le museau.

Abysse du Dragon réalisa qu'il avait autorisé son esprit à divaguer une fois encore, alors il laissa un soupir lui échapper et s'arrêta pour redresser la tête et regarder autour de lui, inspirant une grande bouffée d'air vivifiant. Son visage se décomposa.

C'était le Hameau.

Il en avait la certitude, il reconnaissait les rues tortueuses qu'il arpentait au moment où il s'était fait coincer par des bipèdes ; le cœur battant, le félin se mit à courir en dépit de ses coussinets entaillés et traversa le petit village en un souffle. Il dévala ensuite la pente menant aux confins de son territoire, avalant la distance qui le séparait de son foyer en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

L'odeur de la frontière le stoppa net. Il y était. Enfin.

Gouffre prit une profonde inspiration et, cérémonieusement, comme un apprenti qui prête allégeance à son chef lors de son baptême de guerrier, il la traversa.

Il était de retour chez lui.

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

Un instant, le monde s'arrêta de tourner. L'instant d'avant, il s'efforçait d'entraîner Nuage Alpin luttant contre les nombreuses difficultés rencontrées, tentant de cerner son petit-fils dont la motivation n'était pas en question, mais la confiance largement ébranlée. L'instant d'avant, il vivait une journée parmi les autres, entre les apprentissages de Nuage des Neiges et Nuage Alpin, entre les conseils avec Rivière d'Argile et ceux avec les vétérans, entre les visites aux anciens et celles aux chatons, entre la veille des apprentis et celle des guérisseurs. L'instant d'avant, il évoluait loin de ses nombreux deuils, prenant soin des siens et de son Clan, bâtissant l'avenir de la Nuit, dans le soucis de ne pas reproduire le passé. Et soudain, le passé se rappela à lui. La maigreur, les odeurs étrangères, le pelage épars, le regard hagard, le collier, la clochette… Aucun de ces éléments trompeurs n'eut raison de sa clairvoyance. Un instant, le monde s'arrêta de tourner. Son fils. Derrière ce félin errant, domestiqué, décharné, se cachait son fils.

- Abysse du Dragon, souffla-t-il dans un hoquet de stupeur.

Il semblait revenir d'un autre temps. Jamais Étoile Acharnée n'aurait cru le revoir. Il avait espéré jusqu'au dernier instant, lorsqu'il avait dû annoncer sa disparition, mais suite à cela, il avait dû abandonner cette idée. L'abandonner au profit de celle qu'il avait choisi sa sœur, plutôt que son Clan. L'abandonner au profit de celle qu'il l'avait trahi. Et que s'il le revoyait jamais, ce serait pour le chasser.

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« All you have is your fire
And the place you need to reach
Don't you ever
Tame your demons
But always keep 'em on a leash. »
• ABYSSE DU DRAGON •

-Abysse du Dragon.

Depuis combien de temps n'avait-il pas entendu cette voix ? Froide et distante, mais pourtant si familière, et si réconfortante après tant de lunes passées sans pouvoir l'entendre. Frémissant, Gouffre leva son regard vairon vers son père mais interrompit tout autre mouvement, retenant pratiquement sa respiration. Le soulagement et la joie de le retrouver ne lui faisaient pas oublier les circonstances de sa disparition, qui lui revinrent en mémoire comme la houle s'abat sur le rivage ; les oreilles basses et la queue au sol, il s'inclina devant le meneur en signe de déférence et de soumission pour signifier clairement la paix de ses intentions. Un bref coup d'œil derrière Étoile Acharnée lui révéla la présence de Petit Alpage, qu'il reconnut immédiatement. Son cœur se serra lorsque le matou réalisa pleinement tout ce qu'il avait raté. Les chatons qu'il avait eus avec Neige Sibylline étaient grands, désormais, et ne se souvenaient probablement pas de lui. Il n'avait pas pu les voir grandir. Un élan de haine le traversa brièvement et il maudit une fois encore le nom de Griffe d'Ardoise, avant de lâcher entre ses crocs :

-Je... je suis désolé.

Sa propre voix éraillée lui paraissait étrangère, tant il s'était habitué à la solitude.

-Griffe d'Ardoise a tué Horizon Déchiré, poursuivit-il sans hésiter, mû par une force invisible, et je n'ai pas su l'arrêter.

Disait-il la vérité ? Il en avait le sentiment, pourtant il était incapable de se souvenir du déroulement exact de la tragédie. L'ancien guerrier ferma les yeux, puis murmura tout bas :

-J'ai failli à mon devoir. Tout s'est passé si vite, tout était si confus, je… je n'ai pas su quoi faire. Crevasse voulait que je devienne lieutenant, elle était prête à tout, mais pas moi… pas comme ça… c'était trop. J'ai voulu l'en empêcher mais j'ai réagi trop tard, puis j'ai… j'ai paniqué et je me suis enfui, je ne parvenais plus à réfléchir. J'aurais dû rentrer directement au camp, j'aurais dû la dénoncer immédiatement, mais j'ai pris peur. J'ai commis la pire erreur de ma vie.

Abysse du Dragon s'interrompit alors, la gorge sèche. Il n'avait pas autant parlé depuis des lunes, et chaque mot qui s'arrachait de sa gueule le brisait un peu plus. C'était le moment où il tournait définitivement le dos à Griffe d'Ardoise. Le moment où il se désolidarisait de sa sœur jumelle, pour toujours.

-Si j'étais rentré directement au camp, ces fichus bipèdes n'auraient jamais mis leurs sales pattes sur moi, cracha-t-il finalement, son poil clairsemé se hérissant soudainement au souvenir de ces créatures répugnantes. Ils m'ont emmené si loin, Étoile Acharnée… Quand j'ai finalement réussi à m'échapper, j'ai cru ne jamais vous retrouver.

Épuisé par son monologue, il sentit ses pattes se mettre à trembler sous son corps et se recroquevilla alors, le regard dans le vide. Son père allait-il accepter ses explications ? Trop fatigué pour raisonner avec lucidité, le félin brun-gris se contenta d'attendre le verdict du meneur ; il n'était pas sûr de survivre à la déception et au chagrin de se faire chasser par son Clan, mais il n'avait pas traversé la montagne pour se dégonfler au dernier moment.

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- I knew that something would always rule me
I knew the scent was mine alone.

La bonne réaction aurait été de feuler sur l'intrus et de le chasser en envoyant Nuage Alpin chercher des renforts en cas de zèle du présumé traître. Quoi qu'où aurait-il trouvé l'énergie de résister, si Étoile Acharnée avait décidé d'agir ainsi ? Le chasser aurait été des plus simples, et probablement le Clan de la Nuit n'aurait-il plus eu à se soucier de lui. Il était en plus mauvais état encore que ne l'avaient été Nuage de Pénombre et Nuage de Lanterne à leur arrivée. Le meneur aurait dû le chasser. Devant lui il n'avait pas un fils, il n'avait pas un guerrier, il avait un traître et un exilé. Un félin qui n'avait plus sa place au sein du Clan de la Nuit. Qui par deux fois l'avait trahi, par deux fois l'avait déçu. Il aurait dû l'accueillir comme il l'avait accueilli, ce jour où il s'était présenté, chaton encore, à l'assemblée après avoir rejoint l'Empire lorsque la Nuit s'était faite chasser des montagnes. Pas mieux que cela. Il avait su accueillir un chaton ainsi, alors un adulte dans la force de l'âge ? Il n'aurait dû ressentir aucun état d'âme. Mais le chaton de l'époque était arrogant, le poil lustré, les muscles en bon développement, l'air bien nourri. L'adulte de cet instant semblait à l'article de la mort, et s'inclinait sans l'once d'un défi dans le regard, piteux.
Il avait cru ne jamais le revoir. Et encore moins ainsi. Il ne pouvait venir du même lieu que ses nièces, si ? Les deux novices n'avaient pas de collier, et n'auraient pas survécu face à un périple similaire à celui que semblait avoir traversé le guerrier déchu. Où était Griffe d'Ardoise ? Griffe d'Ardoise a tué Horizon Déchiré, et je n'ai pas su l'arrêter. Kinkajou Carmin avait jusque-là continué de fixer l'étranger sans mot dire, son visage de marbre légèrement ébranlé d'un air de stupéfaction, entre froide observation et surprise. Mais à ces mots, il sembla revenir à lui. Il n'avait pas eu à interroger son fils pour qu'il aborde le premier sujet à aborder : l'assassinat de Horizon Déchiré. Ainsi il y avait assisté. Il avait été présent. J'ai failli à mon devoir. J'ai voulu l'en empêcher mais j'ai réagi trop tard, il avait assisté au passage à l'acte de sa sœur, il avait tenté de l'arrêter, mais alors pourquoi... puis je me suis enfui. J'aurais dû rentrer directement au camp, j'aurais dû la dénoncer immédiatement, mais j'ai pris peur. J'ai commis la pire erreur de ma vie. Il n'avait pas fui avec elle, il l'avait fuie elle. Il avait fui ce qu'elle avait fait pour lui, après avoir échoué à l'en empêcher. Selon Étoile Acharnée, Griffe d'Ardoise n'aurait jamais battu seule deux guerriers de l'envergure de Horizon Déchiré et Abysse du Dragon, mais ce dernier… n'avait pas su se décider à affronter sa sœur avant qu'il ne soit trop tard. Ils avaient toujours eu ce lien, ce lien si fort qui, après une journée d'absence, avait rendu évident le fait qu'il s'était enfui avec elle. Il n'avait pu tuer son alter-ego pour le bien du Clan. Mais cet alter-ego n'était plus là. Elle ne reviendrait plus jamais. Il ne proposait pas ses services à condition que l'on accepte sa sœur. Il revenait la queue entre les pattes, implorant son pardon, après le Clan des Étoiles seul savait combien de lunes d'errance, après avoir commis la pire erreur de sa vie et en avoir été puni par des lunes d'exil au pays des bipèdes, et des lunes d'errance dans la misère qui se dessinait sur son corps. Étoile Acharnée retrouva son air décidé et froid, et s'avança vers Abysse du Dragon d'un pas sûr, plongea ses crocs vers sa nuque, et claqua de la mâchoire… pour arracher le collier du cou de son fils.

- Le Clan aura du mal à te pardonner, miaula-t-il en faisant deux pas en arrière, l'objet pendant de sa gueule.

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Au-delà des Frontières - Le Hameau

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