Petit Apollon - Comète Arcanique

Petit Apollon se réveilla en sursaut. Un contact froid l'avait tiré du sommeil et il crut un instant s'être endormi dans une flaque d'eau. ça n'avait rien à voir. C'était... de la neige ? Jaspe Etoilé leur en avait parlé, mais tous les chatons alors présents avaient eu bien du mal à l'imaginer. Les flocons étaient comme des amas de pollens mais froids, avait raconté Jaspe. Si froids que parfois des chats en mourraient, transis.
Petit Apollon remarqua surtout que la surface blanche brillait comme la surface d'un lac, sauf que ce n'était pas de l'eau liquide. Il ne pouvait pas se noyer. Et surtout, il n'avait pas si froid que ça. Jaspe Etoilé avait-il menti ?
Hypnotisé, le chaton plongea une patte. Le neige s'enfonça en un très léger craquement. Je laisse une trace sur le monde, se dit-il, ébahi. Il laissa tomber une nouvelle patte et obtint le même résultat. Avec un cri de joie, il finit par se laisser tomber et se roula dedans sur plusieurs centimètres. Il ne se demanda même pas comment il était arrivé ici, si loin du camp, et ça n'avait aucune importance. Son coeur battait à mille à l'heure de joie. Il n'avait jamais tambouriné à ce point dans sa poitrine. Alors c'est ça d'être libre ?
Etait-ce ça d'être heureux ? Il n'avait pas de réponse à sa question. Il ouvrit les yeux.
"Wahouuu..."
Le ciel lui faisait des signes de la patte - une patte verte mais une patte quand même - au milieu de plein d'étoiles. La nuit n'avait jamais été aussi claire et colorée en même temps, vue du phare. Alors Petit Apollon tendit une patte très haut, écarta les griffes et essaya d'attraper un morceau de ciel.
Il ne s'était pas dit que cette nuit changerait sa vie à tout jamais, mais il le sentirait dès son réveil et jusqu'au restant de ses jours.

Petit Apollon redressa la tête avec peine. A force de se rouler dans la neige, celle-ci s'était beaucoup plus affaissée au niveau de sa tête et beaucoup moins au niveau de son arrière train. Il n'avait aucune prise - pas de racine, pas de terre - à laquelle s'accrocher , alors ce fut d'une manière tout à fait ridicule, quelque peu erratique, qu'il tenta à plusieurs reprises de se relever. A un moment, il secoua tout son corps en entier avant d'enfin parvenir à se redresser à demi. De la neige lui tombait d'entre ses grandes oreilles poilues, qu'il avait tourné vers l'inconnue. Justement, il chassa les flocons en faisant tressaillir son oreille droite, ce qui lui retomba sur le museau.
En temps normal, il aurait très certainement louché pour voir ces étoiles glaciales entre ses moustaches, mais la féline devant lui attirait tout son attention. Etait-elle un ange du clan des étoiles ? Elle ressemblait à un soleil ! Un très doux soleil, par rapport à cette forêt polaire. De longues - très longues - secondes passèrent sans qu'il ne pipe mot. Il se demandait si elle était, comme pour Rosalie, un ami imaginaire. Il ne s'ennuyait pas, pourtant, à la pouponnière. Pourquoi en aurait-il voulu un ? Non non, même après réflexion, il ne ressentait pas le besoin d'un ami imaginaire.
...
Mais maintenant qu'elle était là, il n'allait pas la renvoyer d'où elle venait, non ? Ce serait malpoli. Jaspe Etoilé n'aimait pas lorsqu'ils étaient malpolis.
Petit Apollon se releva enfin totalement. Il ne se souvenait plus de ce qu'elle avait dit au tout début. Ah si, une histoire d'insectes dans sa tête, Petite Pluie faisait la blague souvent. C'était peut-être pour ça qu'il y avait si peu fait attention.
A pas de velours, il s'approcha de la féline rousse claire pour la humer. Quelle étrange odeur. Très subtile, pas du tout comme dans le phare, où l'odeur du poisson lui donnait parfois le tournis et où les toilettes empestaient quand il faisait trop chaud. Elle sentait quelque chose... de délicat. Petit Apollon n'avait jamais rien croisé de délicat, alors une personne carrément... A sa référence au ciel, il leva les yeux vers la voûte d'aurores boréales.
"T'es une de ces étoiles ?" chuchota-t-il, par peur d'être entendu par ces dites étoiles.
Elles auraient très bien pu remarquer qu'il manquait l'une des leurs et la rappeler immédiatement. Or, le chaton avait approximativement quarante sept mille deux cent trente trois questions à lui poser.
"Pourquoi tu n'es plus dans le ciel, alors ?"