Ce chemin, menant à la mer, traverse la forêt verdoyante du territoire du clan du Zénith. Il arrive parfois que des bipèdes le traversent pour se rendre à la plage.

Parcelle de territoire nommée en hommage à Nuage de Cerf apprenti aubiste mort du mal vert qui frappa les Clans peu avant la fin de la migration.

L'élu suivit le matou d'un pas lent, souriant lorsqu'il montra les baies d'if.

-Très bien, ce sont des baies empoisonnées, elles peuvent rendre très malade, voir même tuer un chat si on lui en donne. Expliqua-t-il alors. Tu vois autre chose qui peu être toxique ?

Albatros hocha la tête.

-C'est normal, il n'y en a pas d'autres ici, mais les baies de Houx sont aussi toxique, et il y a les baies de digitales aussi, elles sont utiles mais peuvent provoquer de grave complication.

Miaula Albatros avant de se redresser et d'aller chercher d'autres baies non loin.

-Ca, en revanche ce sont des baies d'aubépines, elles sont très utiles pour les indigestions, mais il faut faire attention car, comme tu peux le voir, elles sont très semblable à l'If.

Feuille d'Agate sourit au matou dans l'espoir qu'il ne s'en veuille pas, si il avait fait ce que lui avait demandé son mentor, alors peut-être qu'il n'aurait pas eu à attraper une proie dans la précipitation. Il hocha les épaules.

-Oui, enfin, si il m'arrache pas les oreilles quand je rentrerais.

Miaula-t-il dans un ronronnement plus qu'amusé. Il trouvait la situation plus drôle que gênante s'en acclimatait plutôt bien.

-Je suis censé chasser depuis le début d'après midi mais je ne l'ai pas fait. Avoua-t-il, toujours amusé. Mais Margay Solaire est un bon terrien et il m'apprend bien. Et toi ? Ton entrainement initiale avance bien ?

Océan de l'Albatros hocha la tête positivement.

-Oui on ira faire un tour demain et je te les montrerais.

Miaula-t-il dans un léger sourire avant d'observer un instant les deux baies.

-Oui, et puis à leur buissons. L'If fait un peu penser à un sapin, avec des feuilles en forme d'épine. Alors que l'aubépine, ce sont des vraies feuilles.

-Quelques unes, oui, mais ce n'est pas ce qu'on utilise le plus, le mieux reste des racines, on peu plus facilement en extraire le suc.

Océan de l'Albatros secoua la tête.

-Non, mais je t'emmènerais demain là où en trouve plus et je t'expliquerait à quoi elles servent.

Miaula-t-il avant de, cette fois-ci, hocher la tête.

-Oui, on peut utiliser certaines écorces aussi, celles d'aulnes, pour éviter le mal de dents, les enflures, les infections et les gonflements si on y applique sur une plaie. Et l'écorce de tremble permet de diminuer le stress et l'agitation. Et on peut aussi en utiliser pour maintenir une patte cassé en place, c'est plus fragile que des branches, mais c'est plus pratique.

Le soigneur pencha légèrement la tête sur le côté.

-Ne t'en fais pas, tu as tout le temps pour apprendre.

(On s'arrête là ?)

Margay Solaire avait demandé à Nuage Envolé de le suivre pour un entraînement de terrien. L'apprenti était revenu depuis très peu de temps du hameau, et l'élu terrien tenait à évaluer ses compétences. Il était l'un des apprentis les plus vieux et devrait bientôt choisir sa spécialisation.

"- J'imagine que tu t'es beaucoup amélioré à la chasse au hameau." Miaula le matou bicolore. "Montre moi à quel point !"

Menace d'Orage n'en était plus à son coup d'essai. Il s'investissait de manière plutôt démesurée dans l'entraînement des apprentis terriens en proposant des leçons et des sessions de combats. Il avait décidé également qu'il était temps pour les plus jeunes d'enfin mettre la patte dans l'eau. La portée d'Europa, celle qu'il avait trouvé au bord de l'eau ainsi que les rejetons de Feuille Rusée étaient passés apprentis depuis peu. Ils devaient comprendre l'importance d'apprendre à se battre et les défendre le plus tôt possible, pour qu'ils choisissent, à terme, la classe des terriens. Menace d'Orage ne se faisait pas de souci pour Nuage d'Apollons et Nuage de Rosalie, liés par la promesse de suivre la voie des guerriers.
Menace d'Orage laissa son regard ambré glisser sur tous les apprentis. En fait, il était lié de près ou de loin à la majorité d'entre eux, désormais. Cela aurait-il des conséquences à l'avenir ? Il l'espérait très franchement. Qu'il ne s'investissait pas autant pour que tous ces félins soient décevants. Il n'y croyait pas vraiment, d'ailleurs. Non pas qu'il ait confiance en eux, mais cette rage dans leur coeur, Orage la connaissait. Surtout dans celui de Nuage de Pluie. Il connaissait moins les idéaux et les ressentiments des quatre derniers.
Le terrien avait également proposé à Pureté de l'Âme de venir. Déjà parce qu'il était vétéran et qu'il serait ainsi bien vu du félin jais, mais également parce qu'il n'aurait pas assez de quatre pattes pour entraîner tous ces jeunes félins.
Au chemin des cerfs, ils trouvèrent un coin de verdure protégé du soleil par la voûte des arbres au sol couvert de mousse. L'escouade s'arrêta là et Menace d'Orage se tourna vers les apprentis. L'avenir du zénith était entre ses pattes.

"Même si vous avez une différence d'âge, c'est bien la première fois que vous allez assister à un entraînement de combat, on est d'accord ?"

Tout au plus les plus jeunes subiraient un désavantage du fait de leur taille... Ce qui n'était même pas vraiment vrai. Nuage d'Apollon était fort grand pour son âge, de sorte qu'il frôlait presque Nuage Pluvieux à côté de lui.

"Pureté de l'Âme, veux-tu te battre contre moi, sans les griffes, pour leur montrer ce que font deux véritables terriens ?"
 

Sous le soleil de midi, l'apprenti portant le même nom ne se laissait pas abattre par la chaleur carnassière. Rien d'autre que les aspirants aux côtés desquels il cheminait ne l'intéressaient, ni les rayons doux, ni le champ des oiseaux, ni les brûlures de la roche qu'il avait foulé sur ses coussinets, ni les proies qui glissaient entre les épines de pin séché. Ou peut-être une chose le perturbait-il, légère et effacée. Il avait gambadé jusqu'au chemin des cerfs aux côtés de Nuage de Rosalie, il arborait un grand sourire et ses yeux pétillaient de vie, comme d'habitude, il avait écouté celle qui était d'une lune sa cadette et avait ri avec elle, l'avait taquinée et s'était amusé, mais c'était l'ainée qui le happait. Juste devant lui, les muscles de Nuage Noir roulaient sous son pelage d'ébène éclatant. Le mouvement de la lumière sur ses poils lui rappelait celui de l'écume sur les mers, il était envoûté par chacun de ses gestes, ensorcelé et polarisé par la grâce qu'elle dégageait, quelque chose dans cette chatte l'obsédait depuis ce jour où ses yeux d'améthyste mystérieux avaient rencontrés les siens d'or affamés. À quelques pas à peine, entre la marée, le soleil et la rosalie, Nuage de Pluie fulminait contre un ennemi inconnu et pernicieux. Il jetait des regards ça et là, et abandonna la marche d'avant pour se joindre à Nuage d'Apollons qui se délectait du paysage se baignant autour de lui, et à raison.

Pour atteindre l'endroit, le petit groupe avait dû longer le lac du matin en partant du phare, et le spectacle ne manquait jamais de bluffer le jeune mâle. Dans l'étendue d'eau infinie, un coucher de soleil lilas s'était endormi pour l'éternité. L'onde avait la même teinte qu'un pétale de cerisier ou qu'une fleur d'églantine, elle dansait dans le vent comme toute eau l'aurait fait, mais la caresse des herbes sèches sur sa rive avait quelque chose de particulier. La couleur captivante s'éteignait soudainement à l'embouchure vers le phare et un peu avant la chute florale, comme si elle n'avait jamais existé. Quand ils avait commencé à s'en éloigner, Nuage de Soleil avait à nouveau relevé la beauté du contraste entre les étendues turquoises et celle-ci.
Après quelques instants dans la plaine, ils avaient pénétrés dans la forêt de conifères menant jusqu'au lieu convoité, les arbres s'y dressaient bien droits, rasant les nuages de prêt. La lumière s'y glissaient à peine, inventant des ombres mystérieuses sur le sol.
Oui, Soleil comprenait qu'Apollon se soit égaré sur le paysage.

Quand les deux ainés s'arrêtèrent, la horde de jeune les imita, gardant le silence. La seule raison pour laquelle il était d'accord pour se battre était simple, son désir de vengeance. Il ne pourrait jamais venger sa mère s'il n'était pas fichu de lever une griffe. Il n'était pourtant pas de ceux avides de violence et de bataille, il lui semblait que celle des mots et de la stratégie était une bien meilleure à menée. L'apprenti n'était pas non plus un grand compétiteur, contrairement à son frangin dont la queue frétillait d'impatience. Gagner cet entrainement ne l'intéressait pas, impressionner Nuage Noir peut-être un peu, mais surtout, surtout, ne vexer personne. Déjà las, le matou s'assit à côté de Nuage de Rosalie, lui adressant un petit clin d'oeil au passage, attendant que Pureté de l'Âme n'attaque Menace d'Orage.

Menace d'Orage connaissait Pureté de l'Âme. Lorsqu'il était dans le clan du crépuscule, il n'était alors qu'un grand chaton et bien misérable apprenti, il craignait ce démon noir aux yeux vairons. Tous savait comment il avait prêté ses griffes à l'Empire, à Cobra, comment il avait tué de sang-froid des claniques. Il avait mis en déroute le clan de la nuit de son propre territoire, avant de chercher la rédemption auprès du zénith. En arrivant dans la tribu, Menace d'Orage l'avait toujours un peu craint, mais... il s'était petit à petit rendu compte qu'en réalité, Pureté de l'Âme était un exemple. De force, de puissance. Le félin tricolore l'avait donc étudié, comme il avait étudié Margay Solaire. Il avait cherché à comprendre comment il se battait, quelles étaient ses faiblesses. La force de Menace d'Orage provenait donc de ses connaissances avant ses aptitudes physiques.
Whisky d'Ether lui avait enseigné comment se battre contre la nuit, il avait déduit de lui-même comment contrer ce qu'il avait appris d'Erable Fauve, et ses lacunes dans le clan de l'aube étaient comblées par ses techniques de la forêt sombre, effectives contre tous les claniques.
Menace d'Orage ne savait juste pas comment réfléchissait Pureté de l'Âme en l'état actuel des choses. Il chercherait à dominer de part sa force. Le combat serait bref, brutal. Et en effet, le guerrier noir usa de son poids pour prendre le dessus. Menace d'Orage ne pouvait éviter une telle boule de muscles. Il usa ses pattes arrière pour se mettre à la verticale et encaisser le choc de son assaillant. Il put ainsi dévier la trajectoire de l'assaut. Vif, il prit appui sur un tronc d'arbre d'un bon et se propulsa de ses pattes arrière derrière Pureté de l'Âme.
"Vous devez pouvoir user le terrain à votre avantage. Face à un félin qui privilégie la force, ça sera un atout qui pourrait le surprendre."

Mésange de Minuit était allongée dans sa tanière. La lune était haute dans le ciel, et malgré la saison des feuilles nouvelles qui revenait, elle tremblait. Sa tanière pourtant de taille modeste lui semblait si vide. D’abord, la perte de son père l’avait vidé. Puis, celle de son frère. Et enfin, celle de Griffe d’Agate, mort au combat en essayant de protéger de stupides aspirants. La douleur qui lui transperçait le ventre finit de la réveiller. Elle savait ce que cela signifiait. Ils les attendaient avec espoir, ces chatons. Quand elle avait appris qu’elle était gestante, elle l’avait annoncé à Griffe d’Agate. Malgré sa surprise, il paraissait heureux. Ils avaient vécu ensemble, heureux, jusqu’à ce que la vie les sépare.

Se levant en titubant, elle sortit de son antre, et commença à se diriger en chancelant vers la sortie du phare. Si elle devait donner la vie, ce ne serait pas ici, dans cette prison de roches qu’était devenu le phare du Clan du Zénith. C’est alors qu’une silhouette blanche se rapprocha d’elle.

« - Tu as un souci ? » Demanda le matou blanc aveugle, inquiet.
« - Laisse moi sortir Harfang des Neiges, je ne veux pas mettre bas ici. » Grommela la reine, ravalant un feulement quand le matou se rapprocha encore d’elle.
« - D’accord, on va sortir, mais avant je vais chercher Colibri, tu ne peux pas mettre bas seule. »

Mésange de Minuit était bien trop faible pour riposter, mais au fond d’elle, elle était heureuse de ne pas affronter cela seule. Le matou blanc monta les marches pour aller chercher sa compagne, pendant que la reine prenait de l’avance. Elle savait bien qu’ils allaient la retrouver. Ce chat avait un odorat terrifiant.
Ce fut une souche d’arbre creux qui fut son choix pour le travail. L’ancienne chatte aida Mésange de Minuit à se coucher, avant de s’affairer autour d’elle, donnant des ordres à son compagnon, qui s’efforçait de chercher de la mousse avec de l’eau en tâtonnant chaque creux d’arbre.

Le travail dura toute la nuit, jusqu’à ce qu’enfin, trois adorables chatons furent déposés près du ventre de la reine. Cette dernière les regarda avec amour, avant de les nettoyer un à un. Ils étaient son unique raison de vivre, la dernière bouffée d’air qui lui restait au monde. Elle les protégerait comme une lionne de tous les dangers, quitte à leur bâtir un foyer aimant, loin de la barbarie du Zénith.

« - Toi, tu t’appelleras Patte Solaire, en hommage à un grand élu du Zénith, et ton grand père. Toi, tu seras Petite Griffe, en hommage au plus courageux des chats que je connaisse, et ton père. Et toi, tu seras Petite Corneille, en hommage à mon plus proche ami, et frère. Mes chers petits, je vous protégerai de tout mon être. » Leur murmura-t-elle doucement, alors que Colibri et Harfang se blottissaient l’un contre l’autre, émus.