Nuage Ambré secoua la tête.

-Non c'est génial, on apprend plein de chose et y a toujours des choses en plus à apprendre. Je crois que c'est la meilleure chose que j'ai faite depuis ma naissance.

Nuage Ambrée aurait surement dû répondre que, pour elle, c'était ce qu'il faisait lui qui était bien ennuyant. Mais finalement elle préféra ne rien dire et sourire doucement.

-Je ferais mieux d'y aller, ma mentore va finir par me chercher.

Miaula-t-elle finalement avant de se détourner.

(Fin)

@Echo des Cendres de Louve

C’était étrange, de devoir partager. Menace d’Orage Etouffant les Etoiles avait bien conscience qu’une organisation d’autant de félins ne pouvait tenir avec qu’une seule personne aux commandes. C’était peut-être même la force des clans, cette dualité à la fois complémentaire et substituable. Il s’était inspiré de nombreux félins, de nombreuses histoires, pour construire quelque chose de différent mais qui devait, il l’espérait, persister sur le long terme. C’était tout simplement étrange, de ne plus être le seul aux commandes. De ne plus pouvoir réfléchir seul à la suite des événements. Echo des Cendres de Louve avait toujours été au courant - au moins pour une partie - d’une parcelle de ses machinations. Mais là, c’était tout à fait différent. Il ne réfléchissait plus seul, il faisait part de ses réflexions, de ses idées quant à l’avenir de la tribu avec elle et avec Vie Brisée par le Chaos.
Par toute la forêt sombre. Il était écouté par des égaux. Une place parmi eux aurait dû être réservée pour Fureur des Erinyes, mais, eh bien, disons que sa condition d’être défunt l’empêchait quelque peu de séjourner parmi eux. Et pourtant, elle avait bien été la première à l’écouter, à voir ce qu’il aurait pu devenir. A voir ce qu’il était devenu. Sans elle, rien n’aurait été possible. Sans elle, il n’aurait jamais rencontré - à l’époque - Nuage de Louve. Et ils n’auraient jamais fait tant de chemins ensemble. Il serait resté un guerrier banal, au milieu d’une tribu essoufflée et saignée par les clans.
Le meneur laissa son regard glisser sur le pelage noire de sa Patte. Il n’était pas dupe. Il connaissait l’odeur des chatons, d’une femelle gestante. Echo des Cendres de Louve n’était pas tombé sur le bon félin pour lui cacher une telle nouvelle. Non, son odeur lui rappelait tant celle d’Eubora, actuellement, que Menace d’Orage en avait fait des cauchemars cette nuit. Il avait revu Eclipse, Tonnerre, Pluie et Soleil chatons. Il avait revu la vie quitter les yeux de leur mère. Il avait senti le sang, la seule fragrance qui ne se mélangeait pas à celle de tous les autres massacres auxquels il avait assisté. Il avait vu les corps de ces enfants être emportés par le courant, se débattre, chercher de l’air et finalement couler comme des pierres. Je ne les ai pas sauvés, Eubora. Ils sont morts à cause du clan des étoiles, comme toi.
Menace d ‘Orage ressassait ces sombres considérations quant Echo des Cendres de Louve lui demanda de s’arrêter. Il obéit de mauvaise grâce.
“Oui, trancha-t-il d’un ton sec, agacé. Nous pourrions parler de ces chatons dans ton ventre. Enfin Louve, tu me prends pour un idiot aveugle ? Je ne suis pas comme ces mâles qui se voilent la face sans comprendre un traître mot de votre corps et qui ont l’air surpris d’apprendre la nouvelle alors qu’ils savent très bien ce qu’ils ont fait. ”
Tu sens le lait. Tu sens elle. Et cette colère vis-à-vis de son incapacité à oublier cette mort comme il avait oublié toutes les autres retombait sur la pauvre féline.
“Tu vas devenir grosse, ne plus être une guerrière” continua-t-il en détournant le regard, amer. Ton corps va changer, ne sera plus vraiment le tien. Tu vas t’élimer comme du bois flotté. Tu crois que je vais être content que tu portes des chatons comme si c’était dans ta nature de femelle ? Tu as bien plus de valeur à mes yeux en étant une guerrière.”

Pour être tout à fait honnête, Nuage d’Aurore ne se sentait pas vraiment à sa place. Elle était loin d’être certaine que sa présence dans ces patrouilles soit une bonne idée, vu comment avait fini la précédente, et l’effet que ça avait eu sur elle, mais elle ne se serait jamais permise de contredire les paroles de son chef. S’il estimait qu’elle devait venir, elle venait, essayant de se persuader que c’était un honneur. Mais c’était compliqué. Et pas seulement parce qu’elle ne passait pas une nuit sans voir les corps des morts de la patrouille.
Elle avait certes grandi dans le Clan de l’Aube, mais elle n’avait pas le même passif qu’eux avec la Tribu du Zénith. Elle n’en avait pas du tout en fait. Et ça rendait les choses assez compliquées pour elle, parce qu’elle croyait les félins de son clan lorsqu’ils racontaient ce qui avait pu se passer, mais… elle ne l’avait pas vécu, elle, et c’était difficile pour elle de se projeter. De plus, maintenant, elle avait trouvé en Petite Corneille un ami, et elle avait très peur qu’il lui arrive quelque chose pendant la bataille… Qu’est-ce qu’elle ferait si elle voyait un autre chat lui faire du mal… ? Arriverait-elle à s’empêcher de le protéger… ? Tant de questions qui se resteraient, elle l’espérait grandement, sans réponse.

Pour l’heure, elle avait choisi de se concentrer sur la situation actuelle, mettant comme elle le pouvait ses pensées de côté, pour ne pas les laisser la parasiter. Elle devait être à son maximum. Lorsqu’ils arrivèrent à la frontière avec le Zénith, la jeune apprentie eut une seconde d’hésitation. Ça allait être la deuxième fois, en très peu de temps, qu’elle traversait une frontière et pénétrait sur un autre territoire. En d’autres circonstances, elle aurait été ravie de découvrir tout ça, d’explorer ces nouvelles terres, mais… là, le contexte douchait rapidement son enthousiasme. Alors elle resta concentrée, écoutant Etoile de Myrtille comme elle aurait obéi à Etoile des Âmes, ses sens aux aguets, prête à défendre sa vie si elle s’y voyait forcée.